Lorsque le président Gbagbo a accédé au pouvoir en 2000, il fut l’objet d’attaques tous azimuts. Si certains ont utilisé les armes, d’autres se sont offert des moyens perfides et cyniques de déconstruction de l’image du président nouvellement élu, et partant de son pays, où la mauvaise foi le disputait à la malhonnêteté. Il fut accusé de tous les péchés d’Israël et présenté comme un dictateur sanguinaire, éliminant ses adversaires politiques au travers d’un prétendu escadron de la mort.
Comme si cela ne suffisait pas, il fallait étrangler le pays à travers un assèchement de ses revenus en s’attaquant à l’un de ses produits d’exportation, le cacao dont il est le premier producteur. Ainsi la présidente d’une ONG a pris son bâton de pèlerin, se rendit aux USA pour convaincre sénateurs, chocolatiers et hommes politiques américains, de sanctionner la Côte d’Ivoire au motif que le chocolat qu’ils consomment est le fruit de la sueur d’enfants utilisés comme esclaves dans les plantations ; situation entretenue par le président Gbagbo et son gouvernement.
Les planteurs ivoiriens, selon la présidente de l’Ong, préfèrent exploiter leurs enfants dans les plantations de cacao plutôt que de les envoyer construire leur avenir à l’école ! L’objectif de ce lobbying était d’arriver à mettre à mal le gouvernement du président Gbagbo et d’aboutir à une révolte des populations pour chasser ce dernier. Nombreux étions-nous à avoir été ulcérés par cette démarche et par cette affirmation diabolique et mensongère.
Comment la recherche du pouvoir peut-il conduire à autant de cynisme ? Nous qui avions grandi au village, couru sous les cacaoyers avant de venir en ville pour les études secondaires, avions eu mal. Aucun enfant de planteurs n’est astreint à des travaux pénibles. Accompagner les parents au champ était dans l’ordre de ce qu’on appellerait un apprentissage. Affirmer le contraire est une insulte à l’intelligence des planteurs ivoiriens.
Le complot de la traite des enfants
Mais des années après le départ du président Gbagbo du pouvoir, voilà que les Américains ont remis le couvert. Certes, Ivanka Trump, la fille et conseillère du président américain, qui avait été reçue en grande pompe chez nous, avait visité une plantation de cacao, et on avait espéré qu’elle saurait convaincre ses concitoyens que sous la gouvernance du Rhdp, la situation des enfants-esclaves avait changé. Mais peine perdue.
Comme un éléphant, les Américains ont de la mémoire. Alors la présidente de l’ONG qui croyait faire du mal en distillant ses contrevérités sur le travail des enfants dans les plantations de cacao, avait repris son bâton de pèlerin pour aller aux États-Unis, soutenir le contraire de ce qu’elle affirmait mordicus des années plus tôt. Aujourd’hui que l’objectif poursuivi de prendre le pouvoir est atteint, elle affirme ceci :
« … 85% des enfants impliqués dans la culture du cacao vont à l’école, vivent avec leurs parents et vont occasionnellement au champ…». Quelle évolution ! Quel succès dans la sensibilisation des parents ivoiriens pour un tel changement de mentalité et de comportement en si peu de temps! Les universités ivoiriennes gagneraient à s’approprier les méthodes utilisées par l’ONG pour aboutir à un tel résultat et les enseigner à nos étudiants.
Certains voudraient que des bâches soient dressées pour faire une fête
Mais les Américains sont connus pour être pragmatiques. Ils ont voulu enquêter pour se faire eux-mêmes une idée de la situation réelle en dépit du plaidoyer de l’ONG. Il est juste de retenir que la boulimie du pouvoir a conduit à poser des actes insensés dont aujourd’hui on a le juste retour. La sagesse africaine nous apprend que : « quand on crache en l’air, on doit s’attendre à recevoir des gouttelettes sur le nez ».
Aujourd’hui, le prix du cacao connait une embellie sur le marché mondial, 6000 FCFA /kg. On aurait pensé que cela bénéficierait aux paysans pour récompenser tout le mal qu’ils se donnent pour faire de la Côte d’Ivoire le premier producteur au monde. Alors que le paysan camerounais vend son cacao à plus de 4000 FCFA/kg, le malgache vend le sien à 3000 FCFA /kg et le ghanéen à 2000 FCFA/kg, le paysan ivoirien doit se contenter à son corps défendant, de 1500 FCFA/kg.
Et pour cela, certains voudraient que des bâches soient dressées pour faire une fête et dire merci au gouvernement, car jamais un tel prix n’a été payé aux paysans ! Pendant ce temps, les multinationales qui ont acheté le cacao ivoirien de la grande traite par anticipation et qui l’ont stocké, se frottent les mains. Le paysan, lui, doit attendre la récolte de la petite traite pour bénéficier de la petite augmentation obtenue.
Pauvre paysan ivoirien !
Pauvre paysan ivoirien ! Hier accusé de faire travailler ses enfants comme esclaves dans sa plantation, aujourd’hui impossible pour lui d’obtenir une juste rémunération du fruit de sa sueur, quel lendemain est-il en droit d’attendre?
Les explications du ministre de l’Agriculture qui tendent à faire croire que c’est un gros effort que fait le gouvernement, et une faveur qui est faite aux paysans ivoiriens, sont une insulte à l’intelligence de nos braves producteurs de cacao. Ainsi va le pays. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.
Nazaire Kadia
Analyste politique