Droits de l’Homme
Sylvain Takoué interpelle le procureur de la CPI au sujet des 3000 morts de la crise post-électorale de 2011 en Côte d’Ivoire: « Faites comparaître le camp Ouattara »
Dans une lettre ouverte adressée à M. Karim KHAN, procureur de la Cour pénale internationale (Cpi), Sylvain Takoué, leader du mouvement RURÉN-CI (Rupture et Renouveau en Côte d’Ivoire), demande que justice soit rendue aux victimes de la crise postélectorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire. Après avoir initié une pétition dans ce sens, Sylvain Takoué remet le couvert à travers cette lettre ouverte que nous vous proposons de lire ci-dessous.
« Nous venons d’apprendre que, dans le cadre du conflit palestinien à Gaza, la Cpi a adressé, le 20 mai 2024, des mandats d’arrêt internationaux contre l’actuel Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, ainsi que contre trois dirigeants du Hamas (du côté palestinien), tous accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Il y a quelques jours, vous révéliez, lors d’une interview avec le média américain CNN, qu’un élu américain vous aurait ouvertement révélé que « la Cpi était créée pour l’Afrique et pour des voyous comme Poutine ». C’était sûrement en lien avec les poursuites judiciaires brandies par la Cpi contre les dirigeants d’Israël, protégés par l’Amérique. Et vous savez que dans cette grisaille, Israël n’est pas signataire du Traité de Rome qui a institué la Cour pénale internationale.
Soit. Nous apprenions aussi, dernièrement, que la Cour pénale internationale avait mis et ouvert sur sa table le dossier pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au sujet de l’ancien chef d’Etat centrafricain François Bozizé. De même, nous voudrions voir la Cpi agir promptement au sujet du dossier ivoirien des 3000 morts de la crise post-électorale de 2011, en Côte d’Ivoire. Où en êtes-vous, au juste, depuis votre arrivée au poste de procureur ?
En arrivant à ce poste, vous avez hérité de ce dossier ivoirien des mains de votre prédécesseur, le procureur Fatou Bensouda, qui avait ouvert, avec une sagacité inouïe frôlant parfois le zèle, un feuilleton judiciaire attractif à l’encontre de deux principaux prévenus présumés, Laurent Gbagbo, ancien président de la République de Côte d’Ivoire, et son ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, dans cette affaire de la crise des 3000 morts. Sous le magistère du procureur Fatou Bensouda, 8 années consécutives ont été consacrées au procès de ces deux prévenus à La Haye.
« Les vraies responsabilités de ces crimes sont-elles tacitement évaporées ? »
Leur comparution physique devant la cour n’a absolument pas fait défaut, puisqu’ils ont littéralement été déportés en ces lieux pour y être incarcérés pendant tout le temps des débats et confrontations faits à la barre et dans le prétoire. Résultat : ils ont tous les deux été, pour insuffisance de preuves, reconnus non-coupables des crimes qui leur étaient reprochés, à l’issue de ce procès de longue haleine, qui a tant défrayé la chronique. L’affaire s’est-elle pour autant éteinte d’elle-même ? Le dossier a-t-il été refermé et classé de fait ?
Les vraies responsabilités de ces crimes sont-elles tacitement évaporées ? La Cpi a-t-elle purement et simplement abandonné ses charges dans ce crime ? C’est ici que nous vous en faisons le légitime rappel : le crime des 3000 morts de la crise post-électorale survenue en Côte d’Ivoire, en 2011, ne doit, en aucune façon, rester impuni, ni les responsabilités être cachées. Nous vous rappelons que l’Etat de Côte d’Ivoire est signataire du Traité de Rome, par lequel il reconnaît la compétence de la Cpi.
Ce qui reste à faire, est de poursuivre l’instruction du dossier judiciaire en cours sur votre table. Nous vous demandons, en conséquence, d’aller jusqu’au bout dans la clarification judiciaire de cette affaire pénale des 3000 morts, en achevant l’instruction commencée par Fatou Bensouda. La Cpi ne peut pas s’arrêter en si bon chemin, puisqu’elle est créée pour l’Afrique. Le feuilleton du dossier ivoirien n’est pas fini. C’est pourquoi, nous vous posons cette question directe : À qui maintenant le tour de comparution devant votre cour pénale ?
« Pourquoi aucun prévenu présumé de ce second camp politique, à commencer par son principal tenant Alassane Ouattara, n’est-il pas cité à comparaître… «
En reprenant ce dossier en main, il ne vous a pas échappé de savoir que c’étaient deux camps politiques ivoiriens radicalement opposés l’un à l’autre – celui de Laurent Gbagbo et celui d’Alassane Ouattara – qui étaient en conflit politique et armé pour une dispute électorale, nourrie autour du poste de président de la République, et à l’issue de laquelle un bicéphalisme gouvernemental était né, qui a finalement donné lieu à la tragédie du conflit armé ayant causé ces 3000 morts, chiffres officiels brandis par l’Onu, à l’époque des faits.
Si deux principaux accusés par le bureau du procureur de la Cpi, en l’occurrence Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, ont été longuement entendus et finalement jugés non-coupables à l’issue de leur procès, qui sont donc les vrais coupables dans l’affaire ? Qui a causé ce bilan macabre des 3000 morts ? Qui en est le commanditaire ? Le premier camp politique de Laurent Gbagbo ayant déjà été entendu, pourquoi, trois ans après sa décision du non-lieu, la Cpi prend-elle du temps à entendre aussi le second camp politique d’Alassane Ouattara ?
Pourquoi aucun prévenu présumé de ce second camp politique, à commencer par son principal tenant Alassane Ouattara, n’est-il pas cité à comparaître ipso facto devant la Cour, à La Haye, ne serait-ce que pour l’équilibre des formes, mais pour qu’enfin justice soit faite ?S’il est dit par pur mépris que la Cour pénale internationale est créée pour l’Afrique – une affreuse condescendance que nous récusons de toutes nos forces, et vous avez montrez que ce n’est certainement pas le cas par votre auto-saisine pour le nouveau dossier israélien et palestinien –, cette Cour doit dire le droit et rétablir la justice pour ce dossier ivoirien donc africain.
« Monsieur le procureur, dites ouvertement et impartialement le droit dans le dossier ivoirien »
C’est pour ne pas voir bifurquer et s’égarer votre bureau de procureur dans le dossier ivoirien en question, et vous rappeler à votre devoir, que nous avons initié, il y a quelques jours, le lancement d’une pétition populaire ivoirienne, à l’effet de vous demander de faire comparaître devant la cour de La Haye les présumés coupables de l’autre camp politique de Monsieur Alassane Ouattara, qui avait, il faut le souligner doublement au rouge, tout à gagner dans ce conflit du pouvoir politique, en tirant profits et avantages de la crise post-électorale de 2011, ayant engendré les plus de 3000 morts.
Sinon, serait-ce donc un crime gratuit ? Serait-ce donc un crime parfait ? Serait-ce donc un crime insoluble ? Nous pensons raisonnablement que non, et que la Cpi a toutes les compétences requises pour l’élucider, et tous les moyens pour que les responsables assument enfin leur crime perpétré en Côte d’Ivoire, puisque la Cpi a été spécialement créée pour les crimes africains.
À moins que là aussi, cette Cour ne pèche par la mauvaise foi notoire, ou qu’elle ne soit vouée à rendre une justice aux ordres, obéissant aux plus offrants, où qu’elle ne soit qu’un instrument politique manipulable à souhaits, girouette pénale sans objectivité, allant simplement dans le sens que lui donnent ses arroseurs financiers. Si tel n’est pas le cas, alors, Monsieur le procureur, dites ouvertement et impartialement le droit dans le dossier ivoirien, pour que les parents et familles des victimes et des morts fassent enfin dignement le deuil des leurs… »
Sylvain Takoué, leader du mouvement RURÉN-CI (Rupture et Renouveau en Côte d’Ivoire)