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DANANÉ - Crise à la chefferie de Gbanleu: Le chef Bazemé Noël charge le préfet Haoutou N’Guessan: "En allant contre le gré de la «Case sacrée », il se fait l’ennemi de Gbanleu"

Culture et société

DANANÉ – Crise à la chefferie de Gbanleu: Le chef Bazemé Noël charge le préfet Haoutou N’Guessan: « En allant contre le gré de la «Case sacrée », il se fait l’ennemi de Gbanleu »

Depuis le 16 Août 2021, date du décès de l’ancien Chef Gonan Tiémoko Bertin, la chefferie traditionnelle de Gbanleu, dans la sous-préfecture de Daleu (dans le canton Gouroussé), vit au rythme d’une crise sans précédent. Une décision récente du préfet du département de Danané, Haoutou N’Guessan Vincent, est pour les tenants du pouvoir, l’huile versée sur le feu. Issu de la famille Zampleu – fondatrice du village, le Conseiller pédagogique à la retraite, Bazemé Noël, désigné Chef de village par la « Case sacrée », crie son indignation et met en garde.

Que se passe-t-il à Gbanleu ?

Depuis le décès du chef Gonan Tiémoko Bertin, mon aîné, Gbanleu connait une pagaille hors norme qui est en train d’ébranler toute une institution traditionnelle, vielle de plus d’un siècle. Cela du seul fait de personnes aux intentions obscures.  

Pendant combien de temps votre frère a régné sur Gbanleu ? 

Mon frère aîné a régné 19 ans durant sur Gbanleu. De 2003 au petit matin du 16 Août 2021.

Y avait-il une crise au sein de la chefferie à cette époque ? Sinon, comment est-elle née ?

Mon frère a régné dans la paix. La crise à Gbanleu date de 2021. A la date du décès du chef, la famille et moi étions préoccupés à l’enterrer quand un groupuscule s’est hâté de lui trouver un successeur en dehors de la famille fondatrice du village et des lois régissant nos coutumes. 

En pays DAN, c’est seulement après l’enterrement et les funérailles d’un chef de village que la « Case sacrée » envisage la succession. Ce qui n’a pas été le cas. La famille pleurait un être cher pendant qu’une réunion nocturne se déroulait entre 4 personnes d’autres familles pour nous ravir la chefferie. Le chef n’était pas encore enterré.

Etaient-ils en droit de le faire ?

Non ! Notre chefferie traditionnelle a son fonctionnement qui demeure rigide. Il y est institué une « Case sacrée » communément attribuée aux « Gôh », les rois. Cette case est notre organe suprême. Elle réglemente la vie en société et les questions liées à la succession. 

De ce point de vue, une succession sans processus est vide de sens car aux antipodes de nos réalités coutumières. Ce qu’a fait ce groupuscule de 4 personnes est une prise d’otage du porte-parole de la « case sacrée » pour le contraindre de désigner M. Goué Robert comme chef. Alors que la désignation se fait toujours par la « Case sacrée » et non par son porte-parole. 

Qui peut être prétendant alors ?

A Gbanleu, le prétendant à la chefferie traditionnelle doit appartenir impérativement à la famille détentrice du sacré. De plus, les seuls à donner le pouvoir demeurent les sages de la « case sacrée ». 

Quel a été la réaction des gardiens du sacré ?

Pour avoir buté contre les valeurs ancestrales, naturellement les gardiens du sacré ont sévèrement sanctionné le porte-parole de la «case sacrée ». Il a été amandé pour sa déviation. Quand le porte-parole est ainsi amendé, le village manque d’interlocuteur envers la « Case sacrée ». 

L’unique solution qui s’offrait à nous était de nous confier à la case sacrée suprême se trouvant à Gopleu. C’est là-bas que le porte-parole sanctionné a pu s’acquitter de son amende et être réhabilité dans ses attributions. A partir de là, il a pu nous conduire vers notre case sacrée afin de désigner le chef  de Gbanleu. 

Comment le village a été géré pendant ce vide inhabituel à Gbanleu ? 

De 2021 à 2024, le village a été dirigé par Tonga Henri, chef intérimaire désigné par le sous-préfet de Daleu avec pour mission d’évacuer les affaires courantes. Ce choix a été opéré  en dehors de la « case sacrée ». Récemment, le Mercredi 17 Janvier 2024, le sous-préfet de Daleu a mis verbalement fin au mandat de l’intérimaire. 

Cette déclaration s’est faite à la préfecture de Danané. Dans les débats houleux qui ont suivi, le préfet du département de Danané s’est prononcé contre le gré de tout un village au profit de Goué Robert, non issu de notre lignée. Pour rappel, le préfet  Hahoutou N’Guessan Vinvent avait renvoyé les deux prétendants que nous étions à la « case sacrée » avec pour missions de : la réhabiliter et y sortir le nom d’un chef consensuel. 

Obéissants, nous sommes rentrés sur Gbanleu. Une fois au village, nous avons accompli tout ce qui avait été recommandé par le gouverneur. Un travail a été fait par les sages dans la case et Bazémé Noël a été désigné nouveau chef de Gbanleu conformément à nos us et coutumes. Il y a même eu une cérémonie de bénédictions et de libation dans la « Case sacrée ». 

L’administrateur a-t-il été saisi de ces initiatives ?

Bien évidemment ! A sa demande, toutes les étapes ont été sanctionnées par un ensemble de rapports qui lui ont été transmis par le chef de terre.

D’où vient alors le couac ?  

Depuis 1893 où Gue Laba, premier chef a régné pendant 13 ans, il y a eu jusqu’au 16 Août 2021, au total 10 chefs de villages dont 3 intérimaires. La tradition a toujours été respectée. Quand surviennent les premières querelles après cette date, le chef de la tribu Yézé en la personne de Gondo Goué Gilbert a invité les cadres de la MUDEG (Mutuelle de développement de Gbanleu) à prendre une part active dans le règlement de la crise. 

Pendant 5 jours, la mutuelle et les sages se sont accordés et ont produit un second rapport dénommé « Rapport de désignation du chef de village de Gbanleu par la case sacrée du 14/02 au 18/02/ 2022 ». A cette occasion, la désignation de Goué Robert étant contestée, le chef de terre a proposé qu’il y est des postulants. 

C’est ainsi que Tonga Henri, Goué Robert, moi Bazémé Noël et le colonel Dely avions postulé. Les débats ont eu lieu chez le chef intérimaire. Une chance donnée aux négociations a permis le retrait de 2 postulants : Goué Robert et Tonga Henri. Le colonel Dely et moi Bazémé sommes restés en course. 

Pour nous départager, 12 sages des 6 familles de Gbanleu ont siégé et ont trouvé que nous étions en égalité (6 voix de chaque). Les sages nous ont demandés d’aller nous concerter. Malheureusement, on ne s’est pas entendu. Alors nous ont-ils conviés à la « Case sacrée ». Je m’y suis rendu. Le colonel Dely a refusé de s’y rendre. 

Malgré l’insistance des sages. C’est ainsi que j’ai été désigné et toutes les commodités allant avec ont été accompli conformément à nos us et coutumes. Contre toute attente, le colonel Dely va se ranger derrière Goué Robert pour l’inciter à prendre le pouvoir au motif qu’il a été antérieurement désigné le premier par le porte-parole amendé. Avec la complicité de Adama Yaké, chef de canton, et de notre chef de tribu Yézé, la pagaille s’est installée.

Que gagnent-ils à instaurer une telle pagaille ?

La désignation du chef de canton Adama Yaké a été, elle-même, irrégulière c’est-à-dire non conforme à nos traditions. Cela lui a été notifiée par feu mon frère aîné, Gonan Tiémoko Bertin, alors qu’il régnait sur Gbanleu. En son temps, l’ainé lui a vertement rappelé qu’un chef de canton doit résider dans le canton et non à Danané, à 54 Km. 

Les sages ont renchéri lui donnant un délai de 3 mois pour bâtir une résidence soit à Nimpleu chez lui soit à Daleu (Chef-lui de sous-préfecture). Dans le cas échéant, Adama Yaké ne serait plus chef du canton Gouroussé. Jusqu’à ce jour, il réside à Danané, loin de la terre de ses ancêtres. 

Sa haine de notre grande famille est venue de ce qui lui a été reproché par mon frère défunt. Une notification à lui faite à l’époque au domicile du Colonel Douty, ancien ministre de Guéi.

Que reprochez-vous au préfet de Danané ?

Dans notre rencontre du 24 Mai 2023, le préfet nous avait renvoyés vers la « Case sacrée » pour y revenir avec un seul chef. Pendant tout le processus, le chef de terre lui envoyait des rapports de ce qui se faisait. Contre toute attente, Mr le préfet a préféré choisir Goué Robert comme chef de Gbanleu sans consulter la « Case sacrée » et en dehors de toute consultation populaire.

Dans nos traditions, le chef du village est désigné par les sages du village. Ce n’est donc ni l’affaire du chef de canton, ni l’affaire d’un chef de tribu encore moins celle d’un préfet. De surcroît, la loi sur la chefferie traditionnelle en Côte d’Ivoire est suffisamment claire : la désignation d’un chef de village est faite selon les Us et Coutumes. Point final. 

D’où viennent les interférences auxquelles nous assistons à Gbanleu ? Veut-on sciemment créer des foyers de tensions à Gbanleu ? Le préfet de Danané a fait fi des différents rapports transmis. Se dressant contre nos lois, il a favorisé la forfaiture et le désordre.

La paix est-elle envisageable ?

La balle est dans le camp du préfet de Danané qui se réjouit de ce qu’un mouton puisse diriger mon village. Un tel choix est contre-nature car il va à l’encontre de nos traditions. L’administration se fait un étrange dictateur dans notre paradis culturel DAN avec l’onction d’une bande d’amis. 

Cela au détriment des intérêts de Gbanleu. D’où la gangrène en cours. Que retenir d’un tel administrateur ? L’oppresseur ou le pacificateur ? En allant contre le gré de la «Case sacrée », il se fait l’ennemi de Gbanleu. Pour nous, il est partisan. 

Qu’il délivre un arrêté préfectoral, ministériel ou présidentiel à son élu, ce dernier n’exercera jamais à Gbanleu ! Il gagnerait à revoir sa copie. Sinon Mr le préfet de Danané se rendra coupable de tout ce qui arrivera à Gbanleu.

Propos recueillis par Sony WAGONDA

NB: À lire dans nos prochaines éditions, la réaction du préfet du département de Danané, Haoutou N’Guessan Vincent.

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