Le président Macky Sall a annoncé, le samedi 3 février 2024, l’annulation de l’élection présidentielle qui devait avoir lieu le 25 février, sans donner de nouvelle date. Il a invoqué la nécessité d’attendre les résultats d’une commission d’enquête parlementaire sur le processus électoral, suite aux accusations de corruption portées par le Parti démocratique sénégalais (PDS) contre certains membres du Conseil constitutionnel.
L’annulation de l’élection présidentielle au Sénégal pourrait avoir des conséquences graves sur le plan politique, social, économique et sécuritaire. Sur le plan politique, elle pourrait créer un vide juridique et institutionnel, qui remettrait en cause la légitimité du président Sall et la crédibilité du Conseil constitutionnel.
Elle pourrait ouvrir la voie à des contestations et des tensions entre le pouvoir et l’opposition, qui pourraient dégénérer en violences et en affrontements. Elle pourrait fragiliser la démocratie sénégalaise, qui était considérée comme un modèle en Afrique de l’Ouest, et qui avait connu des alternances pacifiques en 2000 et en 2012.
Sur le plan social, elle pourrait provoquer la frustration et la colère des citoyens sénégalais, qui se sentiraient privés de leur droit de vote et de leur choix de leur avenir. Elle pourrait accentuer les clivages et les divisions au sein de la société sénégalaise, entre les partisans du président Sall et ceux de l’opposition, entre les jeunes et les anciens, entre les urbains et les ruraux, etc.
Elle pourrait menacer la cohésion sociale et la paix civile, qui sont des valeurs fondamentales de la culture sénégalaise. Sur le plan économique, elle pourrait créer un climat d’incertitude et d’instabilité, qui affecterait la confiance des investisseurs, des partenaires et des bailleurs de fonds.
Elle pourrait ralentir la croissance économique, qui était l’une des plus dynamiques de la région, et qui avait permis au Sénégal d’atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire en 2020. Elle pourrait aggraver la situation sociale, qui était déjà précaire à cause de la pandémie de Covid-19, et qui avait entraîné une hausse du chômage, de la pauvreté et des inégalités.
Sur le plan sécuritaire, elle pourrait exposer le Sénégal à des menaces extérieures, qui pourraient profiter du chaos interne pour déstabiliser le pays. Elle pourrait affaiblir le rôle du Sénégal dans la région, qui était un acteur clé de la sécurité et de la coopération en Afrique de l’Ouest, notamment dans la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et la migration irrégulière.
Elle pourrait compromettre la crédibilité du Sénégal sur la scène internationale, qui était un partenaire respecté et apprécié des grandes puissances et des organisations internationales.
Trouver des solutions pacifiques et consensuelles pour sortir le Sénégal de la crise
Face à ces risques, je ne peux que dénoncer l’attitude du président Macky Sall, qui a pris une décision arbitraire et anticonstitutionnelle, sans consulter ni informer le peuple sénégalais. Il s’agit d’une manière de gagner du temps pour mieux verrouiller le système pour la victoire de celui qu’il soutient.
C’est de plus une manœuvre malicieuse qui pourrait le faire songer à se maintenir au pouvoir et protéger ses acquis. Il joue avec le feu, car il risque de provoquer une révolte populaire, voire un coup d’État civil ou militaire.
Il faut que la communauté nationale sénégalaise et internationale maintiennent la pression sur le président sortant pour qu’il donne très rapidement une nouvelle date pour rassurer tout le monde sur son intention réelle à quitter le pouvoir. Il doit respecter la volonté du peuple sénégalais, qui aspire à une alternance démocratique et pacifique.
Il doit se conformer à la Constitution, qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux. Il doit se souvenir de son engagement, qu’il avait pris devant la nation en 2016, de ne pas briguer un troisième mandat. Il doit faire preuve de responsabilité et de sagesse, et faire tout pour bien quitter le pouvoir.
Face à cette impasse, il est urgent de trouver des solutions pacifiques et consensuelles pour sortir le Sénégal de la crise.
Voici trois propositions inspirées d’une situation pareille dans le monde :
– Créer une instance indépendante chargée d’organiser et de superviser l’élection présidentielle, en remplacement du Conseil constitutionnel discrédité comme ce fut le cas au Kenya en 2008.
– Mettre en place un dialogue national entre le pouvoir, l’opposition, la société civile et les partenaires internationaux, afin de définir les modalités et les conditions d’une élection présidentielle apaisée et inclusive.
– Recourir à une médiation internationale pour faciliter le dialogue entre le pouvoir et l’opposition, et pour accompagner le processus électoral.
La situation au Sénégal est préoccupante et appelle à une mobilisation de tous les acteurs pour préserver la paix, la démocratie et le développement du pays. Le président Macky Sall doit respecter la Constitution et le verdict des urnes, et garantir un processus électoral transparent et inclusif.
L’opposition doit participer au dialogue national et respecter les règles du jeu démocratique, sans violence ni contestation. La société civile doit jouer son rôle de contre-pouvoir et veiller au respect des droits et des libertés des citoyens.
La communauté internationale doit accompagner le Sénégal dans cette période délicate et soutenir les efforts de médiation et de facilitation. Les populations sénégalaises doivent faire entendre leur voix et choisir librement leur avenir, en tenant compte de l’intérêt général et des besoins des couches vulnérables.
Le Sénégal a une longue tradition de démocratie et de stabilité, qu’il faut préserver et renforcer. C’est le seul gage d’un développement durable et harmonieux pour le pays et pour la région.
Ahouman Gaël Lakpa,
Citoyen Ivoirien,
Auteur-Écrivain : Poète, Romancier et Dramaturge, Analyste Sociopolitique