Dans un communiqué en date du vendredi 04 août 2023 dont Lemeridien a eu copie, la Conférence épiscopale régionale de l’Afrique de l’Ouest (CERAO, RECOWA en anglais) rejette l’intervention militaire au Niger, à l’issue du coup d’État militaire du 26 juillet dernier, qui a évincé du pouvoir le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum.
Les cardinaux, archevêques et évêques se disent préoccupés par la tension sous-régionale en lien avec la situation politique au Niger.
« Face aux événements qui se déroulent actuellement dans notre sous-région, il est de notre devoir moral, spirituel et pastoral d’adresser cette lettre d’exhortation à tous les acteurs impliqués, de près ou de lion, dans la gestion de cette crise afin d’inviter chacun à faire preuve de retenue, de discernement et de responsabilité. Il y a va de la vie de nos peuples de l’Afrique de l’Ouest », ont-ils fait souligné.
Avant d’indiquer : « Aucun intérêt, projet individuel, national, régional, géopolitique ou confessionnel ne doit prévaloir sur la préservation de la vie, de la dignité humaine et l’avenir des générations futures en Afrique de l’Ouest et au-delà ».
Rappel des faits
Le colonel Amadou Abdramane et neuf autres officiers ont annoncé la destitution du président Mohamed Bazoum dans la nuit du 26 juillet, déclarant que cette action visait à « mettre fin au régime que vous connaissez en raison de la détérioration de la situation sécuritaire et de la mauvaise gouvernance ».
Ce coup d’État, qui a entraîné la suspension de toutes les activités politiques et la fermeture des frontières, est le septième en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale depuis 2020.
Réunie en session extraordinaire, le dimanche 30 juillet 2023, à Abuja au Nigéria, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO) a pris plusieurs sanctions dont : la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Niger, l’établissement d’une zone d’exclusion de la CEDEAO pour tous les vols commerciaux à destination ou en provenance du Niger, la suppression de toutes les transactions commerciales et financières, le gel des avoirs du Niger dans les banques centrales de la CEDEAO et dans les banques commerciales, la suppression de toute assistance et de transactions financières en faveur du Niger par la Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO(BIDC) et la Banque Ouest Africaine de Développement(BOAD).
Le tout assortit d’une « éventuelle intervention militaire » contre les putschistes à l’issue un ultimatum de 7 jours arrivé à expiration, dimanche 06 août dernier.
La violence, selon les évêques catholiques d’Afrique de l’Ouest, ne résout aucun problème, même pas celui qui est à l’origine de son déclenchement.
« Nous interpellons nommément la CEDEAO et l’Union Africaine »
« Nous affirmons et insistons auprès de la CEDEAO et l’Union Africaine, pour dire que toute intervention militaire au Niger en ce moment, compliquerait plus la situation des populations du Niger, et de la sous-région qu’elle ne leur apporterait des solutions. Le terrorisme a déjà son bilan macabre de veuves, d’orphelins, de déplacés, d’affamés, de mutilés, etc. Les populations n’attendent pas que les Institutions régionales et africaines viennent alourdir ce bilan. Le cas de la Libye demeure un exemple tragique des conséquences désastreuses sur la vie, la dignité et l’avenir des populations », rappellent les hommes de Dieu.
C’est pourquoi, ils appellent tous les hommes, femmes et organisations nationales, sous-régionales et internationales à jouer un rôle positif dans l’apaisement des tensions et la promotion d’une paix durable.
« Nous interpellons nommément les institutions régionales et sous-régionales telles que la CEDEAO et l’Union Africaine à faire preuve de responsabilité devant l’histoire et à revisiter leurs missions respectives. En cette période critique et délicate, il est essentiel que ces organisations jouent un rôle actif dans la recherche de solutions pacifiques et durables, en mettant en avant l’intérêt de la population et le respect de leur dignité. (…)
Que Dieu nous guide dans nos efforts pour la justice et la paix. Et qu’Il fasse de nous des artisans de paix, pour une Afrique toujours plus unie donc toujours plus forte », conclu l’exhortation signé du président de la Conférence épiscopale régionale de l’Afrique de l’Ouest, Mgr Alexis Touabli Youlo, évêque du diocèse d’Agboville (Côte d’Ivoire).
Tizié TO Bi
Correspondant régional