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La France peut-elle se réveiller le 7 juillet 2024 avec une majorité Rassemblement national à l’Assemblée nationale ? (Le décryptage de WAKILI ALAFÉ) 

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La France peut-elle se réveiller le 7 juillet 2024 avec une majorité Rassemblement national à l’Assemblée nationale ? (Le décryptage de WAKILI ALAFÉ) 

Quel regard africain, quel regard depuis l’Afrique après les élections européennes et dans l’attente des législatives anticipées en France ? Les élections européennes qui ont eu lieu les 8,9 juin 2024, se sont traduites par une poussée des partis de droite et d’extrême droite partout dans l’Union européenne. La matrice de ces partis tient en trois mots : immigration, délinquance et identité. 

L’Afrique francophone, bien qu’elle diversifie ses partenariats et ses alliances, continue à regarder vers Paris. Question importante : la France peut-elle se réveiller le 7 juillet 2024 avec une majorité Rassemblement national, le parti de Marine Le Pen, à l’Assemblée nationale ? Quel en sera l’impact en Afrique, et quel regard depuis l’Afrique ? 

Besoin de travailleurs immigrés

Après la victoire de Jordan Bardella aux élections européennes (33 % des voix, loin devant les macronistes et les partis de gauche), la droite extrême, peut, comme en Italie avec Giorgia Meloni ou en Hongrie avec Viktor Orban, se trouver en situation de gouverner la France. Déjà, dans l’Hémicycle strasbourgeois, où ils feront leur rentrée le 16 juillet 2024, les eurodéputés seront plus nombreux sur les bancs de l’extrême droite, les formations populistes, nationalistes et xénophobes ayant gagné des sièges partout en Europe. 

Je vais m’arrêter, dans cet article, à l’impact de cette victoire du RN aux européennes en France et sur l’hypothèse d’une victoire du RN aux élections législatives du 30 juin et du 7 juillet 2024. Faut-il s’en inquiéter pour deux raisons : 

1) le sort des diasporas africaines installées en France 

2) un changement des relations entre la France et l’Afrique ?

Parlons clair : à l’évidence, se pose pour les pays européens, de façon plus aiguë, la question de l’immigration. La France a longtemps réussi à établir un cordon sanitaire entre la droite républicaine et le FN de Jean-Marie Le Pen, même si le caractère légal et républicain du parti ne fait pas l’objet de débat. Le ralliement d’Eric Ciotti, le président de LR, au RN, abolit la frontière entre la droite républicaine, d’inspiration orléaniste et gaulliste, et la droite extrême, qu’elle soit populiste, radicale ou d’extrême droite. 

Cette droite extrême a fait campagne sur la lutte contre l’immigration et l’insécurité, notamment en établissant un lien entre immigration et délinquance et en développant la théorie du « grand remplacement ». La population française serait en train d’être remplacée par des populations musulmanes issues de l’immigration. Parlons encore plus clair : il n’existe pas un sentiment d’insécurité qui conduirait, de façon fantasmée, à amplifier la réalité de la montée des violences (insécurité, émeutes urbaines, territoires perdus de la République, attentats terroristes). 

L’insécurité est réelle, comme est réelle la pression que fait subir une forme d’Islam militant et politique sur l’Ecole de la République. Les enseignants sont les premières victimes d’une violence croissante (assassinat de Samuel Paty, à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, assassinat de Dominique Bernard à Arras). Il est important de voir comment les dirigeants africains et nos populations ont réagi à la victoire du RN aux Européennes et à l’hypothèse d’une victoire de Marine Le Pen aux législatives anticipées après la dissolution de l’Assemblée nationale voulue par le Président français. 

Ils ne sont pas nombreux à s’en inquiéter et ils constatent la normalisation ou la banalisation du RN, dont les idées étaient souvent exploitées avec des demi-solutions, ou des non-solutions. Cela peut conduire à une réaction que l’on constate : pourquoi ne pas essayer le RN au lieu des photocopies. Je constate que la montée du RN en France laisse indifférents des États africains et des populations. On peut même supposer que l’arrivée au pouvoir en France d’un parti souverainiste permettra aux États africains de mieux défendre leur propre souveraineté et affirmer un nationalisme identitaire. 

Si Jordan Bardella, le Français, et Giorgia Meloni, l’Italienne, qui, elle, est au pouvoir depuis octobre 2022, affirment une posture anti-immigration et ciblent dans leurs discours les communautés africaines installées en France et en Italie, aucun ne milite pour une « immigration zéro » et le renvoi des Africains arrivés en France ou en Italie et installés légalement. 

Une relation gagnant gagnant à établir 

La France, pilier de l’espace francophone, ne voudra pas limiter l’accueil des étudiants africains, si elle veut conserver son influence sur le continent. Il y a aussi la réalité économique. Madame Meloni vient d’ouvrir 400 000 titres de séjours aux travailleurs étrangers. La France et l’Italie, qui font face à un manque de main-d’œuvre, continuent à favoriser l’immigration de travail. Malgré les dénégations des partis d’extrême droite, l’immigration permet d’enrayer la chute dramatique de la démographie en Europe. On sait que pour être financé, le système de protection sociale en France, aura besoin des travailleurs immigrés.

Certes, le RN s’installe dans le paysage politique français, mais, si le RN arrive au pouvoir, nous verrons les ministres RN fouler le sol africain et se précipiter dans les palais présidentiels. Je ne vois pas le RN mener une politique impopulaire en Afrique, ce qui contribuerait à un rejet encore plus massif de la France sur le continent. Cette impopularité se limite pour l’instant à une partie de la rue africaine et à la jeunesse, ainsi qu’à une partie de l’élite sans que l’on puisse avoir des chiffres indiscutables. 

Le rejet de Paris s’est réalisé, de façon violente, dans la zone sahélienne, à la suite des coups d’État militaires. Le Mali, le Burkina et le Niger ont accepté de faire allégeance à la Russie et de rompre avec l’Occident. Est-ce un si bon calcul ? L’avenir nous le dira. Je voudrais terminer sur trois points qui me semblent essentiels : 

1) il n’existe pas dans la société française de racisme systémique 

2) la France, comme toutes les sociétés occidentales, est ouverte aux influences de la culture africaine (l’art africain s’expose à Paris, la musique et la mode s’africanisent) 

3) le phénomène de l’immigration voit fuir les cerceaux africains à qui nos pays sont incapables d’offrir des opportunités de carrière. L’exode des cerveaux, c’est-à-dire l’émigration des individus qualifiés et éduqués de leur pays d’origine pour chercher des opportunités à l’étranger, représente un défi majeur pour le développement de l’Afrique. La proportion des migrants qualifiés reste faible, comparée à celle des migrants non qualifiés, mais la « fuite des cerveaux » représente des enjeux sociaux et économiques importants. 

Comment conserver sur notre sol des individus qualifiés et offrir des emplois et des salaires décents à nos populations ? Les questions sont posées. Seront-elles résolues ? Répondre à ces questions engage la responsabilité de tous, y compris celle des pays qui seraient dirigés, en Europe, par des partis de droite extrême ou d’extrême droite. À l’évidence, l’Union européenne et l’Afrique sont en pleine mutation, ce qui se traduit par une volonté de rupture avec un ordre ancien. L’Afrique a tout à gagner, si elle sait tirer avantage du monde nouveau qui se dessine aujourd’hui. L’Afrique et la France ont tout à perdre dans une détérioration durable de leurs relations. Un gouvernement RN le sait.

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