Le dialogue national inclusif organisé au Gabon, a pris fin le 30 avril dernier. Les commissaires de ce dialogue inclusif ont rendu publics les résultats auxquels ils sont parvenus. L’objectif visé, c’est de proposer une série de réformes à l’effet d’engager résolument le Gabon sur une nouvelle trajectoire sur le chemin tortueux de sa destinée.
Ces conclusions ont été remises au Général Oligui Nguema, à charge pour lui d’enclencher les réformes et d’opérer la mise en œuvre. Au nombre des recommandations, on retiendra entre autres, le passage d’un régime semi-présidentiel à un régime présidentiel fondé sur la séparation des trois pouvoirs : l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Le chef de l’Etat élu, ne sera pas responsable devant le corps législatif et détiendra des pouvoirs importants et effectifs.
La durée de la transition militaire est maintenue à deux (2) ans avec un an de sursis en cas de force majeure. Ce qui peut retenir l’attention d’un observateur ivoirien, c’est l’affirmation dans les recommandations, de la préférence nationale à tous les niveaux et dans tous les domaines. On peut adjoindre à cette disposition, celle relative aux conditions de candidature à l’élection présidentielle.
Le dialogue national inclusif recommande que le candidat à l’élection présidentielle, devra être gabonais d’origine, né d’un père et d’une mère eux-mêmes gabonais d’origine, et cerise sur le gâteau, il ou elle devra être marié (e) à une gabonaise ou à un gabonais d’origine. A l’énoncé de ces différentes recommandations, la salle a applaudi à tout rompre, marquant ainsi son adhésion totale avec les propositions faites.
Le complexe ivoirien
Ces recommandations peuvent laisser l’ivoirien songeur. En effet, à quelques différences près, les conditions de candidature à l’élection présidentielle telles que proposées au Gabon, rappellent bien celles contenues dans la constitution ivoirienne adoptée sous le régime militaire en 2000. En attendant de voir la réaction des gabonais et de la « communauté internationale » lorsque la nouvelle constitution sera adoptée, en Côte d’Ivoire, ce fut une levée de boucliers pour clouer au pilori les ivoiriens…par d’autres ivoiriens.
La constitution fut qualifiée « d’ivoiritaire », « d’exclusionniste », et les ivoiriens de xénophobes. Des ivoiriens, aidés en cela par les porte-voix que sont les chaînes de radio et de télévision occidentales, surtout françaises (Rfi, France24, Tv5 Monde, etc.), en ont fait leur cheval de bataille, juste parce que des dispositions de la constitution ne permettaient pas à certaines personnes de se présenter à l’élection présidentielle.
Le matraquage médiatique fut si intense, qu’elle a fini par être intériorisée par de nombreux ivoiriens, au point d’en éprouver un certain complexe, et se gêner de dire à un individu qu’il est étranger, même s’il est. Des ivoiriens ont pris les armes pour qu’une conjonction de coordination contenue dans les conditions de candidature, taxée «d’ivoiritaire » et l’expression véritable de la xénophobie, soit remplacée par une autre plus inclusive.
Qu’on le veuille ou pas…Gabonais d’abord !
D’autres encore affirment avoir pris les armes pour que « tout le monde » soit candidat à l’élection présidentielle. Ainsi, quelques années plus tard, lorsqu’il s’était agi de réviser la constitution en 2016, la conjonction de coordination incriminée fut remplacée par celle qui apaise les cœurs au grand bonheur du peuple ! Bien plus, les conditions d’obtention de la nationalité ivoirienne fut allégée.
Désormais, entre autres, en épousant juste un ivoirien ou une ivoirienne et le sésame est aussitôt obtenu. Sans encadrement, cette dernière disposition a entraîné une ruée vers le mariage avec des ivoiriens, surtout avec des ivoiriennes. Et le plus souvent, ces mariages ne durent que le temps de l’obtention de la nationalité ivoirienne.
Conscient des faiblesses inhérentes à cette disposition d’obtention de la nationalité ivoirienne, le législateur a été obligé d’y rajouter un « délai de carence ». C’est tout dire! En tout état de cause, les gabonais ont fait une projection du sens qu’ils entendent donner à leur société, en faisant fi des commentaires des uns et des autres et de leurs jugements. Là se trouve l’essentiel. Qu’on le veuille ou pas…Gabonais d’abord ! Ainsi va l’Afrique. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.
Par NAZAIRE KADIA
Analyste politique