Il est désormais acquis en Côte d’Ivoire, que toute déclaration du président Laurent Gbagbo doit donner lieu à une réponse automatique des tenants et des soutiens objectifs du pouvoir. Seul change, « le répondeur automatique ». Il y a eu tour à tour, le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, le ministre Mamadou Touré, l’ex-directeur exécutif du Rhdp et président de l’Assemblée nationale, Adama Bictogo, et Cissé Bacongo, Secrétaire Exécutif du Rhdp.
Le discours tenu par le président Laurent Gbagbo le 6 avril 2024 à Agboville, lors de la fête de la Renaissance du Ppa-ci, n’a pas dérogé à la règle. Ce fut d’abord le ministre-gouverneur du District d’Abidjan, Cissé Bacongo qui s’est fendu d’une déclaration où il affirmait entre autres, éprouver de la pitié pour le président Gbagbo, que celui-ci a bénéficié d’un non-lieu dans le procès de la Haye et, est responsable du braquage de la Bceao, étant entendu que c’est lui qui a nommé les responsables de ce braquage.
Faut-il s’attarder sur les déclarations de Cissé Bacongo ? Assurément non. Et pour cause ! Les Ivoiriens sont toujours à se demander, que vaut aujourd’hui la parole de Cissé Bacongo, qui n’a pas eu le courage d’assumer toutes ses affirmations pendant la période de la révision de la constitution et qui s’est enfermé par la suite dans un silence lâche. Ensuite, Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement a, au sortir d’un conseil des ministres déclaré : « …Je ne veux pas faire de la politique fiction…les questions d’éligibilité de M. Gbagbo qui ne peut être sur la liste électorale, ça reste une question de justice. Nous sommes dans un Etat de droit, je pense que M. Gbagbo est quelqu’un qui croit en l’Etat de droit et il saura respecter les décisions de justice… ».
« les Ivoiriens aspirent à autre chose que les sempiternelles violences liées aux élections depuis 2011 »
Dans le même temps, et des profondeurs de la case ronde, des voix s’élèvent pour affirmer de façon péremptoire que le chef de l’Etat rempilera pour un quatrième mandat en 2025. Ces personnes aux voix enrouées comme venant d’outre-tombe, entrent en extase et rient à gorge déployé, pris dans une jubilation jouissive, parce que le président Laurent Gbagbo ne figure pas sur la liste électorale.
Cette perspective d’élimination d’un adversaire redoutable et redouté, donne l’assurance à ces tenants de la case ronde, que rien ne peut leur arriver dans leur volonté de confiscation du pouvoir. Sûrs de leur fait, fondé sur une condamnation à 20 ans de prison de l’ancien président dans une parodie de procès, c’est maintenant que les militants du Rhdp, découvrent que « la loi doit s’appliquer dans toute sa rigueur », et les citoyens se doivent de respecter les décisions émanant de nos institutions. Se sont-ils interrogés sur ce qui peut advenir comme réaction face à cette décision ?
Ils ne se posent pas cette question. Certains qu’ils sont, d’avoir avec eux la violence de l’Etat pour venir à bout de toute velléité de protestation. Mais les Ivoiriens aspirent à autre chose que les sempiternelles violences liées aux élections depuis 2011. Il urge pour ce faire, que le chef de l’Etat qui dispose de tous les leviers de l’Etat pour rendre opérantes toutes les recommandations et toutes les conclusions des différentes sessions du dialogue politique, s’attèle à créer une atmosphère apaisée pour sauvegarder des vies humaines.
« Les Ivoiriens souhaitent que le chef de l’Etat soit animé de ce même souci, pour prendre les décisions idoines et renvoyer l’ascenseur à Gbagbo »
Nul ne peut s’offusquer que la loi soit appliquée dans toute sa rigueur. Mais en même temps, on ne peut oublier qu’en 2010, une décision politique a été prise pour contourner des difficultés liées à l’application de notre loi fondamentale qui rendait Alassane Ouattara inéligible. Ainsi, alors qu’en 1995, l’actuel chef de l’Etat, alors dans l’opposition avait déclaré ne pas pouvoir faire acte de candidature à l’élection présidentielle de cette année, parce que la Loi Fondamentale du pays ne le lui permettait pas, il a été candidat en 2010, malgré le fait que la constitution n’avait pas changé, du moins dans ses dispositions relatives aux conditions de candidature.
Pour surmonter l’obstacle, le président Gbagbo a dû user de l’article 48 pour rendre possible, la candidature de M. Ouattara, en dépit des dispositions de la constitution. Cette candidature à titre exceptionnel en 2010, puis dérivée en 2015 avant le passage en force de 2020, aurait-elle pu être possible si la loi avait été appliquée dans toute sa rigueur ?
C’est un fait historique qu’on ne peut pas occulter, encore moins balayer du revers de la main. Une décision politique a permis de contourner la loi, avec pour souci la préservation de la paix. Les Ivoiriens souhaitent que le chef de l’Etat soit animé de ce même souci, pour prendre les décisions idoines et renvoyer l’ascenseur à Gbagbo… Il faut donc savoir raison garder et tenir compte de ce précédent. Cela, dans l’intérêt de tous. Ainsi va le pays. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.
NAZAIRE KADIA
Analyste politique