Il y a quelques années, lorsque les ambitions de Soro Guillaume de s’offrir le palais du Plateau, se faisaient sentir, et après son refus d’intégrer le Rhdp, tout fut mis en œuvre pour le neutraliser et le réduire à sa plus simple expression. Ainsi, Adama Bictogo, alors Directeur Exécutif de ce parti, eut la lumineuse idée de développer une théorie, « la libération du tabouret », fondée sur une idéologie, « la clarification » pour neutraliser toutes les velléités d’où qu’elles viennent.
Tout est désormais dans « la clarification », qui s’articule autour des axes suivants :
Être et ne pas être ne peuvent plus cohabiter.
On ne peut désirer une chose et son contraire.
Tu n’es pas avec moi, tu es contre moi.
Tu es RHDP ou tu ne l’es pas.
Tu es homme ou tu es femme.
Tu es noir ou tu es blanc.
Même les métis et les albinos doivent clarifier leur position. Soit ils sont blancs, soit ils sont noirs. Le monde ivoirien est désormais manichéen. Plus de place pour les équilibristes de tout acabit. Pus de place pour tous ceux qui la main sur le cœur, affirment être neutres ou ne pas faire de la politique. La clarification est d’une absolue nécessité. Le stratège directeur exécutif du Rhdp avait « clarifié cette clarification » à la veille du congrès constitutif de ce parti, dont il était le président du comité d’organisation.
Dans ses envolées, dont lui seul a le secret, et avec la gestuelle qui sied à ce genre de déclaration, il avait assené. : « …le 27 janvier si tu n’es pas RHDP, tu libères le tabouret. Tu es député, dès lors que tu es président d’institution, si tu n’es pas RHDP, tu libères le tabouret. Tu es sénateur, si tu n’es pas RHDP, tu libères le tabouret. Tu es conseiller économique, si tu n’es pas RHDP, tu libères le tabouret. C’est ça la CLARIFICATION…pourquoi… d’autres vont manger le fruit de votre travail ?… ». Voilà qui était clair comme clarification ! Les Ivoiriens revenus de la surprise d’une telle déclaration, ont vite compris que cette théorie va plus loin, et s’étend à maints domaines. Ils se sont rendu compte que désormais :
– Tu es instituteur, si tu n’es pas Rhdp, tu libères le tabouret. Le Rhdp ne peut construire des salles de classe pour que tu y enseignes si facilement !
– Tu es médecin, si tu n’es pas Rhdp, tu libères le tabouret. Le Rhdp ne peut construire des hôpitaux, les équiper pour que tu y exerces si facilement !
– Tu es gérant de cabine téléphonique, si tu n’es pas Rhdp, tu libères le tabouret. Le Rhdp ne peut pas se fatiguer à bitumer les rues pour que tu t’y installes et exercer si facilement !
– Tu es vendeur de « garba », si tu n’es pas Rhdp, tu libères le tabouret. Le Rhdp ne peut pas bitumer les routes, et permettre le transport du manioc pour que tu vendes facilement ton attiéké. Et la liste n’est pas exhaustive. C’est ça la clarification ! Mais toute théorie, toute idéologie ou toute doctrine connait une évolution au fil du temps.
« La libération du tabouret » qui a décimé beaucoup de cadres de l’opposition, a également été appliquée au sein même du Rhdp. De nombreux cadres ont dû libérer le tabouret pour faire place à certains de leurs camarades de parti, plus proches du sommet et bénéficiant de puissantes protections. D’autres encore furent obligés d’élire «domicile à Limoges », parce que limogés, pour avoir donné une trajectoire curviligne à l’argent du contribuable. Celui-ci atterrissait dans leurs poches, en lieu et place de la caisse de leurs entreprises.
Aujourd’hui, c’est autour du puissant idéologue du Rhdp, promoteur de « la libération du tabouret » et de « la clarification », Adama Bictogo d’être dans l’œil du cyclone. L’homme avait déjà libéré le tabouret du Directoire du Rhdp pour faire place à Koné Kafana, l’inspirateur de l’Union du Grand Nord, et désormais président de ce directoire. La clarification est donc déjà passée par là.
Selon le journal « Africa Intelligence », les entreprises d’Adama Bictogo font l’objet depuis quelques mois d’un contrôle fiscal rigoureux.
Des marchés importants leur ont été retirés
Ainsi Snedai s’est vu retirer le marché de la confection des cartes de la couverture maladie universelle. Son contrat pour la fabrication des passeports, qui est arrivé à terme n’a pas fait l’objet de renouvellement et le gouvernement a même lancé un appel d’offre public. Il faut signaler que cette entreprise a déjà été épinglée par un audit de la Cour des Comptes.
Mais il ne faut pas se leurrer. Les tribulations actuelles du président de l’Assemblée nationales, ne sont pas le fait d’un souci de rigueur dans la gestion de la chose publique. L’homme est soupçonné de ne plus cacher ses ambitions présidentielles, au cas où Alassane Ouattara ne rempile pas pour un quatrième mandat. Cela est une grande faute de lèse-majesté sous nos tropiques, où seul le chef peut et doit avoir des ambitions.
Surtout que dans le camp présidentiel, on organise à coups de millions de FCFA, des journées de reconnaissance et d’hommage pour inviter le chef de l’Etat à se présenter pour un nouveau mandat. En plus, le président de l’Assemblée nationale entretiendrait de bons rapports avec des leaders de l’opposition, et cela passe mal au sein de la case ronde.
On n’oublie non plus que l’homme a des relations exécrables avec de nombreux barons de la case ronde, qui ne seraient pas mécontents que celui-ci subisse les affres de sa propre théorie…la libération du tabouret et la clarification. On n’en est pas encore là. Mais de quoi demain sera fait ? Nul ne le sait ! Toutefois, il faudra clairement clarifier cette clarification pour qu’il n’y ait plus de clarification à clarifier. Voilà qui est clairement clair. De toute évidence, l’ivraie sera sépare du vrai.
NAZAIRE KADIA
Analyste politique