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Témoignage sur Bechir Ben Yahmed - Alafé Wakili: "Nous sommes et nous serons toujours les enfants de « Jeune Afrique »"

Monde

Témoignage sur Bechir Ben Yahmed – Alafé Wakili: « Nous sommes et nous serons toujours les enfants de « Jeune Afrique » »

Le journaliste et écrivain ivoirien Wakili Alafé, a fait un important témoignage le jeudi 16 mai 2024, sur Bechir Ben Yahmed, fondateur du groupe Jeune Afrique. C’était à l’occasion d’une séance consacrée à Bechir Ben Yahmed, un journaliste d’exception qui a marqué son époque, selon le témoignage fait par le Président Alassane Ouattara sur ses réseaux sociaux le vendredi 17 mai 2024. Ci-dessous l’intégralité du témoignage de Wakili Alafé.

« J’ai lu et relu le livre de mémoires de Bechir Ben Yahmed, « J’assume », pour deux raisons :

1) L’admiration que je porte au fondateur de «Jeune Afrique ».

2) cela m’a rappelé que lire « Jeune Afrique », comme je le faisais depuis des années, c’était comprendre l’actualité africaine, comprendre les enjeux politiques et économiques du continent, mais aussi du monde.

Devant prendre la parole devant vous, je me suis demandé ce que je pouvais dire, excepté les éloges convenus, lorsqu’il s’agit d’évoquer la figure de celui qu’on admire. Je ne reviens pas sur l’histoire de Jeune Afrique depuis sa création. Les spécialistes, les compagnons de route et les collaborateurs de Bechir Ben Yahmed le feront mieux que moi et avec plus de légitimité.

Car, au bout du compte, quelle est ma légitimité pour parler de Bechir Ben Yahmed? Est-ce parce que j’ai créé « L’Intelligent d’Abidjan », un nom choisi dans une double intention paradoxale : d’abord, pour provoquer « L’Intelligent Jeune Afrique », ensuite, pour lui ressembler, car j’ai fait mienne la devise du journalisme selon Bechir Ben Yahmed : « Le devoir d’informer et la liberté d’écrire ». 

Cette devise est celle du magazine « Jeune Afrique ». En lisant et en relisant ce «J’assume», un livre de mémoires, au pluriel, mais aussi un livre de mémoire, au singulier, je comprends mieux l’impact que Jeune Afrique a eu sur moi. J’étais à Agboville. C’était entre les années 80 et 90. Déjà, je lisais Jeune Afrique. Entre acheter des cigarettes ou quelques romans en bande dessinée comme Zembla, je gardais toujours de quoi payer mon numéro de Jeune Afrique, un journal découvert grâce à un de mes enseignants.

« quelles que soient les générations, Jeune Afrique a eu une influence sur ma conscience citoyenne, sur mes engagements africains et panafricains »

Je connaissais des signatures de l’époque : Senen Andramirado, Siradjou Diallo et bien d’autres, sans oublier l’inégalable fondateur Bechir Ben Yahmed. Ce journal avait pour moi une double fonction : j’y voyais une mine inépuisable d’informations sur l’Afrique et sur les femmes et les hommes qui ont fait l’Afrique au lendemain des indépendances, mais j’y voyais aussi matière à débattre, à contester certaines analyses.

Apprécier un journal, admirer les auteurs des articles, souvent des signatures prestigieuses, ce n’est pas accepter tout ce qui s’écrit, ou partager le point de vue univoque d’une ligne éditoriale. Le déclic, pour moi, sera la mort de Thomas Sankara. Je n’ai pas l’âme d’un révolté exalté. Je ne suis pas un sankariste militant, je ne partage pas les récupérations faites de l’image de Sankarra, je n’ai pas été d’accord avec tout ce que Sankara a fait. Toutefois, j’ai été un admirateur de Sankara et de son parcours.

Le droit d’inventaire doit s’exercer, y compris pour celles et pour ceux qui ont incarné, comme Thomas Sankara, la lutte contre le colonialisme et une certaine idée de l’indépendance en Afrique. Avant ce droit d’inventaire et cette lecture critique plus tard, j’avais été, en octobre 1987, profondément bouleversé et totalement révolté par la mort de Thomas Sankara.

Autant, aujourd’hui, je n’envisage pas me rendre (sauf cas de force majeure) dans un pays de l’AES jusqu’au retour de l’ordre constitutionnel, autant je me suis toujours gardé de mettre les pieds au Burkina Faso, en dépit de nombreuses opportunités qui se sont présentées. Cette histoire, je l’avais vécue intensément à travers Jeune Afrique. Vous comprenez le trouble ou le manque que la suspension du journal en Côte d’Ivoire avait pu créer à l’époque en moi.

Comme pour de nombreux Africains, quelles que soient les générations, Jeune Afrique a eu une influence sur ma conscience citoyenne, sur mes engagements africains et panafricains, ainsi que sur mes orientations politiques. Si j’ai de parler ici,

– c’est pour m’acquitter d’un devoir au nom de toutes celles et de tous ceux de ma génération qui ont bénéficié de cette influence positive,

– c’est aussi pour rendre hommage à son inoubliable fondateur.

Une relation pas directe 

Je n’ai pas eu le privilège d’avoir une relation directe avec Bechir Ben Yahmed ; pourtant, sa figure charismatique a fait naître en moi une affection forte et un profond attachement au journal. Cette affection et cet attachement ont été renforcés par les visites au siège du journal à Paris, par les rencontres avec des journalistes pendant des reportages, par des échanges avec des membres de l’équipe commerciale, par des discussions avec plusieurs vagues de journalistes, ainsi que par cette fraternité avec Amir, Marwane, et Ziyad qui continuent à faire vivre l’esprit et les valeurs du journal fondé par leur père.

Nous sommes et nous serons toujours les enfants de « Jeune Afrique », des enfants africains engagés, car, comme Bechir Ben Yahmed, nous croyons au potentiel du continent et au dynamisme de ses populations. Voilà ce que je voulais vous dire, comme regard sur l’action et les mémoires de Bechir Ben Yahmed ! Je vous remercie pour votre attention ».

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