Alors que le prix du cacao a été fixé par l’État à 1 800 francs CFA le kilogramme, les producteurs, par le biais de l’ANAPROCI, jugent ce montant insuffisant et estiment que leurs attentes n’ont pas été respectées. À cela s’ajoutent des préoccupations concernant la couverture maladie universelle et les aides financières accordées aux coopératives. Dans cet entretien, le Président Kanga Koffi nous éclaire sur les revendications des producteurs, leurs attentes et les points de friction qui demeurent avec les autorités compétentes.
L’ANAPROCI, par votre voix, vient de se prononcer à Yamoussoukro sur le prix du cacao fixé par l’État de Côte d’Ivoire à 1 800 francs CFA le kilogramme, un prix que vous jugez insuffisant pour les producteurs. Vous avez même affirmé que l’État n’a pas respecté ses engagements. Quel est le problème, finalement ?
Président : Merci beaucoup. Il faut rappeler que depuis la réforme de 2012, qui a modifié le système de commercialisation du cacao, il a été convenu que dans le mécanisme de fixation des prix, un minimum de 60 % du prix CAF (Coût, Assurance, Fret) serait attribué aux producteurs. Ce principe a toujours été respecté jusqu’à cette campagne 2024-2025, où, malheureusement, le gestionnaire en charge de faire les propositions n’a pas respecté ce mécanisme. Il s’est plutôt aligné sur un schéma qui n’a pas de base concrète, en prenant en compte les prix du Ghana. Nous estimons que cette démarche viole les règles établies et ne répond pas aux attentes des producteurs.
Selon vous, quel aurait dû être le prix fixé, puisque vous avez demandé qu’il soit réévalué ?
Président : Si on applique correctement le mécanisme, c’est simple : on prend le prix CAF à l’international, on en calcule 60 %, et c’est ce montant qui doit être attribué aux producteurs. Or, cette année, le prix du cacao sur le marché mondial a dépassé les 10 000 $ la tonne. Nous espérions donc que le prix pour les producteurs serait d’au moins 3 500 à 4 000 francs CFA par kilogramme. D’autres pays producteurs ont fixé des prix allant de 3 500 à 5 200 francs le kilogramme.
Et ici, en Côte d’Ivoire, vous espériez un prix minimum de combien ?
Président : Nous avions calculé un prix minimum avoisinant les 4 000 francs CFA le kilogramme, en nous basant sur le principe des 60 % du prix CAF. Ce mécanisme a toujours été respecté par le passé, mais cette année, nous nous retrouvons avec 1 800 francs.
Donc actuellement, le prix est de 1 800 francs?
Président : Oui, nous avons 1 800 francs. Même en s’alignant sur le Ghana, là-bas, le prix est de 1 823 francs, soit 23 francs de plus que chez nous. Avec une production de 2 millions de tonnes, cela représente une différence de 46 milliards de francs en faveur des producteurs ghanéens. Nous restons donc derrière le Ghana en termes de prix.
Vous avez aussi exprimé des réserves concernant l’affiliation des producteurs de café et de cacao à la Couverture Maladie Universelle (CMU). Pourquoi cela vous pose-t-il problème, sachant que l’État prend en charge vos cotisations via le Conseil Café-Cacao ?
Président : Pour nous, il aurait été préférable que l’État rémunère correctement les producteurs. Ainsi, ils pourraient prendre leurs responsabilités et souscrire eux-mêmes à la CMU pour leurs familles. L’annonce du gouvernement, affirmant qu’un milliard de francs CFA par mois sera mobilisé pour couvrir les producteurs et leurs familles, nous semble irréaliste. En calculant, avec 1 080 000 producteurs, chacun ayant en moyenne une femme et trois enfants, cela représente environ 5 milliards de francs CFA à mobiliser chaque mois. Cela montre que les 12 milliards par an annoncés ne sont pas suffisants.
Donc, selon vous, ce projet n’est pas réalisable ?
Président : Même en voulant le rendre possible, il faudrait mobiliser environ 5 milliards de francs CFA par mois, alors que le ministre annonce un milliard. C’est pour cela que nous disons que cette initiative, bien qu’encourageante, est loin de la réalité. Il aurait fallu organiser des discussions inclusives pour trouver un schéma plus concret et réaliste.
Vous avez également critiqué l’octroi du différentiel de revenus. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, alors qu’on vous propose une aide financière, vous vous y opposez ?
Président : Ce n’est pas vraiment une aide financière. Depuis que les coopératives existent, elles ont toujours eu des frais de gestion intégrés dans le mécanisme de fixation des prix. Nous demandons simplement que ce montant soit réévalué, car les 80 francs CFA par kilogramme alloués aux coopératives ne suffisent plus pour couvrir leurs frais de fonctionnement. Nous avions proposé de porter cette somme à 250 francs CFA, mais seulement 20 francs supplémentaires ont été ajoutés, portant le montant à 100 francs. Nous estimons que ce montant reste insuffisant pour que les coopératives puissent fonctionner correctement.
Pensez-vous qu’il y a un problème entre l’ANAPROCI et le Conseil Café-Cacao ?
Président : Il n’y a pas de conflit en tant que tel, mais nous constatons que les gestionnaires du Conseil prennent des décisions unilatérales sans consulter les producteurs. Ils agissent comme s’ils étaient les seuls à savoir ce qui est bon pour nous, et nous, les producteurs, devrions simplement accepter leurs décisions. Nous demandons un dialogue plus ouvert et transparent pour que les décisions prises reflètent réellement les besoins et les réalités des producteurs.
Lemeridien