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Novembre 2004 - novembre 2024: Il y a 20 ans, l'armée française tirait sur des jeunes ivoiriens devant l’Hôtel Ivoire (Par NAZAIRE KADIA)

Eco et politique

Novembre 2004 – novembre 2024: Il y a 20 ans, l’armée française tirait sur des jeunes ivoiriens devant l’Hôtel Ivoire (Par NAZAIRE KADIA)

Il y a 20 ans, devant l’Hôtel Ivoire, l’armée française faisait un véritable carnage en tirant sur des jeunes ivoiriens désarmés, et remettait ainsi en selle une rébellion à bout de souffle et sur le point d’être chassée par l’armée régulière de Côte d’Ivoire.

Pour rappel, après la tentative de coup d’État mué en rébellion qui a divisé le pays en deux parties, le nord contrôlé par la rébellion et le sud par le gouvernement légal et légitime de Côte d’Ivoire, des pourparlers ont abouti à un accord où chacun des belligérants avait des obligations à remplir.

Après avoir honoré tous ses engagements pris au cours de ces pourparlers, le président Laurent Gbagbo constatera à son corps défendant que la rébellion n’était pas disposée à honorer le sien, celui du désarmement. Cette rébellion qui avait mis le nord du pays en coupe réglée, s’adonnait à toutes sortes de trafics, commettait des exactions sur les populations et surtout faisait de la surenchère, en conditionnant son désarmement à celui de l’armée régulière. 

Cela dans le mutisme de la « Communauté internationale » et des ONG, promptes à accuser le président Gbagbo de tous les péchés d’Israël. Excédée par le louvoiement de la rébellion, l’armée régulière lança l’opération « Dignité » pour en finir avec celle-ci. Au bout de trois jours de bombardement, les frappes aériennes avaient désorganisé le dispositif militaire des rebelles, et ses principaux responsables avaient pris la clé des champs. 

Au troisième jour de ces bombardements, un local abritant des soldats français a été touché. Le bilan était de neuf militaires français et un civil américain tués. Sans avoir pris attache avec son homologue ivoirien, le président français d’alors, Jacques Chirac ordonna la destruction des aéronefs ivoiriens. Ce que firent avec délectation les soldats français, et qui mit fin à l’opération « Dignité ». Et les rebelles qui étaient en fuite revinrent prendre pied à Bouaké.

Le deux poids deux mesures

Non contents d’avoir détruit les aéronefs de l’armée ivoirienne, des chars français descendus de l’intérieur du pays, se sont retrouvés par extraordinaire devant la résidence du président Gbagbo avant de se déporter à l’Hôtel Ivoire. La destruction des aéronefs ivoiriens et la présence des chars devant la résidence du président ivoirien ont suscité émoi, colère et indignation des populations ivoiriennes. 

Pour empêcher les Français de faire un coup d’État comme le disait la rumeur, des jeunes ivoiriens se déportèrent devant l’Hôtel Ivoire, à l’effet de contrôler les mouvements des soldats français. Ces jeunes gens furent pris pour cible par des snippers français qui ont tiré sur eux comme des lapins, faisant une soixantaine de morts et des centaines de blessés.

Pour se sortir de ce bourbier médiatique, les autorités françaises, par la voix de la ministre de la Défense d’alors, Alliot Marie, s’étaient empêtrées dans une série de mensonges, changeant de version à chaque interview, pour dégager la responsabilité de la France dans ce massacre. Dans ses élucubrations, elle a même affirmé que ce sont les gendarmes ivoiriens, présents à l’Hôtel Ivoire pour maintenir l’ordre, qui ont ouvert le feu sur la foule.

Si la mort des jeunes ivoiriens n’a ému personne à travers le monde, celle des neuf soldats français a donné lieu à un procès. Mais les juges qui avaient en charge le dossier des soldats tués s’étaient heurtés à un mur au nom de la raison d’État. Toutes leurs demandes de déclassification des documents pouvant leur permettre d’appréhender des pans entiers du dossier ont reçu une fin de non-recevoir.

Me Jean Balan, avocat des familles des soldats tués, qui ne croyait pas au storytelling officiel, ne fut pas plus heureux. Ses requêtes pour que les ministres d’alors, De Villepin (Intérieur), Barnier (Affaires étrangères) et Alliot-Marie (Défense) fussent poursuivis à l’effet de faire la lumière sur cette affaire, n’avaient pas prospéré. La parodie de procès qui s’était tenue à Paris n’a pas permis de démêler les fils, encore moins de savoir ce qui s’est réellement passé.

Le sang des jeunes ivoiriens tombés devant l’Hôtel Ivoire crie justice

Au terme de ce procès, chaque partie a certainement trouvé son compte: 

– Les familles des soldats tués peuvent se satisfaire d’avoir obtenu que ce procès se tienne, et certainement des dédommagements qui ont dû accompagner. 

– Les ministres De Villepin, Alliot-Marie et Barnier qui ont offert un spectacle pathétique et désolant en allant de parjure en parjure, se renvoyant les responsabilités comme des enfants du primaire, s’en sont sorti à bon compte, tout en ayant conscience de n’avoir pas servi la vérité. 

– Enfin, l’État français a dû se réjouir de s’être sorti de ce bourbier, l’honneur sain et sauf, sans que sa responsabilité dans cette scabreuse affaire n’ait jamais été évoquée.

Ainsi, les soldats français tués à Bouaké ont eu droit à un procès et leurs familles indemnisées. 

Les tueries de jeunes ivoiriens perpétrées par l’armée française devant l’Hôtel Ivoire sont passées par pertes et profits. Cela est inacceptable. Une vie est une vie et une mort en vaut une autre. Le sang des jeunes ivoiriens tombés devant l’Hôtel Ivoire crie justice. Et cela, nous ne devons pas l’oublier. Ainsi va le pays. Mais s’il y a eu un soir en Eburnie, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.

NAZAIRE KADIA

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