Il y a quatre ans, le 14 décembre 2020, avec la cérémonie d’investiture et de prestation de serment de l’actuel chef de l’Etat, venait de prendre fin la tumultueuse élection présidentielle de 2020, qualifiée par nombre d’observateurs de simulacre qui fit de nombreuses victimes, mais naissait une ère nouvelle, celle de la Troisième République.
Avec soulagement, les militants du Rhdp pouvaient entonner l’hymne de Noël, surtout que cette fête approchait à grands pas :
« Elle est née la divine Troisième République, jour de fête aujourd’hui sur la terre d’Eburnie, elle est née la divine Troisième République, chantons-tous son avènement… »
Pour le « premier Président » de la « Troisième République », tout était donc accompli. Il pouvait désormais s’asseoir et voir sereinement venir les événements. Fort de sa position, il put ainsi proposer un dialogue avec l’opposition, à l’effet de préparer les législatives qui s’annonçaient. Il accepta même de revoir la composition de la Commission Electorale Indépendante (CEI). Chose qu’il avait refusée avec la dernière énergie avant l’élection présidentielle. Cela se comprenait !
Plus rien ne pouvait désormais l’empêcher de diriger la Côte d’Ivoire jusqu’en 2025, sinon jusqu’en 2030, comme le clamaient ses partisans. Cette cérémonie d’investiture qui se voulait sobre, avait vu la présence de plusieurs chefs d’Etats alors encore en activité, mais également d’autres anciens, disparus des radars et qui n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes.
Ainsi, on a revu l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, dans son sempiternel ensemble noir et son chapeau melon, mais également, le sulfureux ancien président français, Nicolas Sarkozy alias Paul Bismuth, empêtré dans de nombreuses affaires sordides, toujours condamné mais jamais emprisonné.
Il avait beaucoup perdu de sa superbe. Elle était loin, l’époque de gloire de cet ancien président, qui du haut d’une tribune, et avec une arrogance à nulle autre pareille, donnait des injonctions au président Laurent Gbagbo, à l’effet de quitter le palais présidentiel en 2011. Il avait manœuvré avec son gouvernement et ses obligés ivoiriens, pour que Laurent Gbagbo soit transféré à la prison de la Haye.
Personne n’était dupe
Ironie du sort, le président Gbagbo est acquitté, lavé de toute la souillure et l’opprobre qu’on a voulu lui jeter, est sorti de prison et a regagné son pays. Quant à M. Sarkozy, il est toujours aux prises avec la justice française ! Au cours de cette cérémonie, la déclaration du président du Conseil Constitutionnel d’alors, feu Mamadou Koné, avait surpris plus d’une personne.
Dans une vaine tentative d’explication a postériori de la forfaiture qu’il avait cautionnée, il avait déclaré ceci, entre autres, parlant de la constitution : « …Chacun y est allé de son interprétation, depuis les professeurs titulaires de la chaire de droit constitutionnel, jusqu’à ceux qui ne possèdent comme seul diplôme, que leur acte de naissance… ».
A l’analyse, cette déclaration était juste un message subliminal pour faire comprendre qu’une loi peut être interprétée de plusieurs façons, et qu’en dernier ressort, la sienne est ce qui prévaut. C’est une façon de se donner bonne conscience, face au passage en force opéré grâce à sa « science ». Mais personne n’était dupe.
Depuis le début, tout le monde savait que sa lecture de la constitution ne serait guère différente de celle de celui dont la plume lui a permis d’être là où il était ; surtout que celui-ci avait déclaré : « …qui mieux que moi, connait la constitution ?… ». On a encore en mémoire, la souffrance qui fut celle de Mamadou Koné, au moment de l’analyse des candidatures. Il transpirait à grosses gouttes et s’épongeait fréquemment le visage dans une salle hyper climatisée. Signe qu’il était difficile de défendre l’indéfendable.
La réponse surprenante de l’ex-président du Conseil Constitutionnel
On se rappelle enfin, que pour justifier la recevabilité de la candidature du champion du Rhdp, Mamadou Koné n’avait pas eu besoin de faire référence aux écrits et aux déclarations des experts rédacteurs de la constitution, (qui étaient « rentrés en brousse » ), encore moins à ceux dont la science en la matière, faisait autorité chez nous. Mais c’étaient les commentaires de Pascal Affi N’guessan, président du Fpi, qui furent le socle de son argumentation !
Cette sortie fut pour l’ex-président du Conseil Constitutionnel, l’expression d’un grand soulagement et d’une grande délivrance. Car tout était enfin fini, tout était accompli. Un grand fardeau venait de lui être ôté. On l’aura compris, lorsque la politique supplante le droit, lorsqu’on vit dans un état de droit sans droit, et qu’on a une démocratie sans véritables démocrates, on ne peut avoir que ce genre de spectacle.
Une page de notre histoire venait de se fermer, une autre venait de s’ouvrir. Jusqu’à quand ? Trop prétentieux d’y répondre. Mais s’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.
P.S : A propos, La main que le ministre-gouverneur Abinan Pascal avait mise au feu, est-elle définitivement guérie ?
NAZAIRE KADIA