La Côte d’Ivoire vient d’adopter une mesure phare en matière de protection des travailleuses : l’extension du congé de maternité des fonctionnaires de trois à six mois. Ce décret, entériné en Conseil des ministres, traduit une prise de conscience des défis auxquels les femmes sont confrontées dans la conciliation entre vie professionnelle et obligations familiales. Il marque aussi une avancée dans la reconnaissance du rôle clé des femmes dans la société.
À l’évidence, cette réforme est une avancée sociale majeure que l’on ne peut que saluer. D’abord, elle répond à une nécessité physiologique et psychologique. Les premiers mois suivant l’accouchement sont cruciaux pour la récupération de la mère et l’établissement d’un lien solide avec l’enfant. Dans un contexte où la pression au retour rapide au travail compromettait parfois la santé et le bien-être des mères, ces trois mois supplémentaires leur offrent un répit salutaire.
Ensuite, cette réforme permet d’enrayer une forme de « triche sociale » devenue courante. Il n’était pas rare de voir des femmes prolonger illégalement leur congé de maternité, faute de pouvoir se remettre en état de travailler après seulement trois mois. Certaines prenaient des congés maladie, d’autres usaient de certificats médicaux complaisants ou sollicitaient des congés sans solde. Ce phénomène, qui pénalisait tant les employées que leurs employeurs, trouve ici une réponse pragmatique.
Enfin, cette mesure réaffirme la place de la femme moderne dans notre société. Aujourd’hui, la femme n’est plus confinée à son rôle de mère au foyer ; elle est entrepreneure, cadre, fonctionnaire, décisionnaire. Lui offrir un cadre de travail adapté à sa réalité n’est pas un privilège, mais un impératif d’équité et d’efficacité économique. Un pays qui soutient ses mères travailleuses se donne les moyens d’un développement durable et inclusif.
Toutefois, cette avancée ne saurait être pleinement efficace sans un élargissement au secteur privé. Car si les femmes fonctionnaires bénéficieront désormais de six mois de congé, celles du privé restent soumises à la rigueur des trois mois. Cette inégalité crée une forme d’injustice sociale qu’il faut impérativement corriger. L’État doit encourager les entreprises privées à adopter cette réforme en mettant en place des incitations fiscales ou des dispositifs d’accompagnement.
Par ailleurs, un bon encadrement de cette réforme est indispensable. L’octroi d’un congé de six mois ne doit pas se traduire par un manque de ressources humaines dans les administrations et les entreprises. Une solution pertinente serait de recruter temporairement des jeunes diplômés pour remplacer les femmes en congé maternité. Cela leur permettrait d’acquérir une expérience professionnelle précieuse et d’être mieux préparés au marché du travail.
À l’approche de l’échéance présidentielle, cette question doit être intégrée dans le débat public. Une société équilibrée repose sur des politiques sociales justes et adaptées à la réalité de ses citoyens. Offrir aux mères les conditions de travail qu’elles méritent, c’est investir dans l’avenir du pays.
Ahouman Gaël Lakpa
Consultant, Analyste Sociopolitique et Écrivain Ivoirien