Marcel Amon-Tanoh, ancien ministre des Affaires étrangères et figure marquante de la scène politique ivoirienne, vient de réitérer son soutien à une candidature d’Alassane Ouattara en 2025, évoquant la nécessité de stabilité et la continuité des « progrès incommensurables » réalisés sous son règne. Cette prise de position publique, à première vue anodine, est en réalité profondément incohérente et trahit une mémoire sélective et opportuniste.
Il convient de rappeler qu’il y a seulement trois ans, cet homme tenait un tout autre discours, sur des tribunes qui résonnent encore dans les mémoires. En 2020, en pleine crise politique autour du troisième mandat d’Alassane Ouattara, Amon-Tanoh s’était levé contre ce qu’il considérait alors comme une atteinte grave à la démocratie. Depuis le stade Félix Houphouët-Boigny, il dénonçait le « péril » que représentait ce troisième mandat pour la stabilité de la Côte d’Ivoire.
Son discours rageur, couplé à celui d’autres leaders de l’opposition, avait galvanisé la jeunesse, l’encourageant à descendre dans les rues, à s’engager dans la désobéissance civile. Des jeunes ont répondu à cet appel, croyant en la légitimité de la cause, prêts à se battre pour la préservation des acquis démocratiques du pays.
Est-il encore un homme de conviction ou juste un opportuniste politique prêt à changer de cap en fonction des vents du pouvoir ?
Malheureusement, cet engagement a eu un coût humain immense. Beaucoup ont perdu la vie, tandis que d’autres ont été emprisonnés ou blessés. Ces jeunes, en quête de justice et de changement, ont payé de leur sang une lutte dont Amon-Tanoh était l’un des instigateurs. Peut-il aujourd’hui oublier ces sacrifices ? Peut-il effacer de sa mémoire les larmes des familles endeuillées ?
Ces jeunes sont sortis, poussés par l’espoir, par des paroles comme les siennes, pour finalement connaître la mort ou la souffrance. Aujourd’hui, ce même Amon-Tanoh revient en scène, non pas pour rendre hommage à ces martyrs, mais pour soutenir celui qu’il accusait de tyrannie et d’usurpation du pouvoir en 2020. Un tel revirement ne peut qu’interpeller la conscience nationale.
Est-il encore un homme de conviction ou juste un opportuniste politique prêt à changer de cap en fonction des vents du pouvoir ? En choisissant de soutenir Alassane Ouattara pour 2025, il piétine non seulement ses propres principes, mais aussi la mémoire de tous ceux qui ont lutté et souffert pour des idéaux qu’il prétendait défendre.
Pour Amon-Tanoh, le silence pourrait être une meilleure option
Les Ivoiriens, dans leur grande majorité, ne veulent plus être pris en otage par des jeux de pouvoir et des alliances changeantes. Ce qu’ils souhaitent, c’est avant tout la paix, une stabilité véritable, mais surtout une sincérité dans les engagements politiques. Marcel Amon-Tanoh doit se rappeler que la politique concerne avant tout des vies humaines.
Aujourd’hui, il serait plus sage pour lui de se retirer discrètement et de « manger en paix », comme on dit souvent en Côte d’Ivoire, plutôt que de continuer à alimenter l’incohérence et la déception. L’avenir du pays ne peut plus être entre les mains de ceux qui changent de discours au gré des opportunités. La jeunesse ivoirienne, en quête d’exemples de droiture et de constance, mérite mieux que cela.
Elle mérite des leaders avec des convictions claires et une fidélité à leurs engagements. Le temps des retournements de veste doit être révolu. Pour Amon-Tanoh, le silence pourrait être une meilleure option, car les Ivoiriens sont fatigués de ces visages connus qui, tour à tour, soutiennent et critiquent, sans réelle conviction.
Par Ahouman Gaël Lakpa, Analyste Sociopolitique pour Lemeridien.ci et Écrivain Ivoirien.
