À moins d’un an des échéances électorales pour choisir celui qui devra conduire la destinée de la Côte d’Ivoire en 2025, les états-majors des partis politiques sont en effervescence. Si pour l’instant, au Rhdp, parti au pouvoir c’est le silence-radio, en dépit des appels du pied de certains militants pour que le président de ce parti, sollicite un quatrième mandat, la situation au Ppa-ci n’est pas encore lisible avec l’hypothèque qui pèse sur la candidature de Laurent Gbagbo, et pour l’instant, rien ne point à l’horizon.
Au Fpi, Affi N’guessan qui vient de rompre son partenariat avec le Rhdp, sera certainement sur le starting-block. Il en est de même pour Simone Ehivet du Mgc. En revanche au Pdci-Rda, c’est la veillée d’arme pour l’organisation de la convention, qui devra choisir le porte-étendard du plus vieux parti de notre pays. En attendant, un duel épique et à distance oppose Tidjane Thiam, le président du parti, et Jean-Louis Billon qui ne cache pas ses velléités de briguer la magistrature suprême pour le compte du Pdci-Rda.
Mais au sein du parti, nombreux sont ceux qui souhaitent qu’un consensus soit fait autour de la candidature de Tidjane Thiam, qui cristallise toutes les espérances de nombreux militants du plus vieux parti de notre pays. Ceux-ci voient en lui, le candidat idéal du Pdci-Rda, à même de tenir la dragée haute à l’actuel chef de l’Etat. D’autres encore le voient comme le futur président de la Côte d’Ivoire, adoubé qu’il serait par l’establishment français, qui ne verrait pas d’un mauvais œil qu’il succède à Alassane Ouattara.
On aura également remarqué que depuis l’irruption de Tidjane Thiam sur l’échiquier politique ivoirien, après plus de vingt ans d’absence, ressurgit le débat sur la nécessité du renouvellement et du rajeunissement de la classe politique ivoirienne, surtout celle qui a encore des velléités de conduire la destinée de notre pays. S’il est légitime que le flambeau soit passé à une nouvelle génération, il est tout aussi légitime de demander les hauts faits de cette génération nouvelle quant à l’histoire récente de notre pays, pour mériter ce flambeau. Où étaient ces hommes et ces femmes jeunes pendant les heures de braise de la lutte de l’opposition pour les échéances de 2020 ?
L’épisode du Conseil National de Transition (Cnt)
Qu’ont-ils fait plus que les anciens qu’ils poussent dans le dos ? En quoi seraient-ils les « rédempteurs » qui nous soulageraient de nos fardeaux ? Pour rappel, en 2020, l’opposition ivoirienne, regroupée au sein du Conseil National de Transition (Cnt), avait lancé un mot d’ordre de désobéissance civile, à l’effet de s’opposer au troisième mandat qu’elle jugeait illégal et illégitime, que sollicitait l’actuel chef de l’Etat.
C’est un truisme de le dire, ce mot d’ordre avait mis à mal la confiance et les certitudes du pouvoir ivoirien. Comme il fallait s’y attendre, une grande répression s’était abattue sur l’opposition et avait laissé des séquelles : Affi N’guessan fut arrêté et incarcéré dans un lieu inconnu, Maurice Kacou Guikahué fut embastillé à la Maca, le président Bédié, le secrétaire général du Fpi (pro-Gbagbo), Assoa Adou et le président du Comité de Contrôle de la même tendance du Fpi, le professeur Hubert Oulaye, ont vu leurs domiciles faire l’objet de blocus par une escouade d’hommes en treillis.
Cette répression, synonyme de décapitation a désorienté les militants de l’opposition car la lutte n’avait plus de tête. Pourquoi les jeunes n’ont-ils pas saisi l’opportunité pour continuer la lutte et la mener à son terme ? S’ils l’avaient fait, qui objectivement ne les aurait pas adoubés au terme du combat, pour des responsabilités plus grandes ?
Pour ceux qui attendent le messie, il est bon de savoir que celui-ci n’est pas de tous les siècles
Au Sénégal, on a assisté à un rajeunissement et à un renouvellement au sommet du pouvoir, sans tambour ni trompette, sans passage de témoin issu d’un quelconque héritage. Il n’a jamais été demandé à un quelconque « vieux», de débarrasser le plancher, à l’effet de faire la place à un « jeune ». L’accession au pouvoir du Pastef, le parti politique fondé en 2014 par des jeunes cadres de l’administration publique sénégalaise, du secteur privé et des professions libérales, est un enseignement duquel, tous les jeunes qui ont l’ambition de conduire la destinée de leurs pays, doivent pouvoir tirer des leçons.
Les Sénégalais n’ont pas mis en avant le parcours impressionnant de leurs nouveaux dirigeants dans des institutions internationales, leur curriculum vitae riche, leurs relations usuelles avec les grands de ce monde, encore moins l’épaisseur de leurs carnets d’adresses. La congruence qu’il y a eu entre le peuple sénégalais et les jeunes leaders du Pastef, réside dans le fait que ces leaders ont su s’assumer sans défiler aux heures de braise, au risque de leur bien-être et même de leurs vies.
Ce sont des « self made-men » qui n’ont pas attendu de prendre un héritage ou que leur soit transmis un témoin comme dans une course de relais. Ils ont «porté leur croix », étaient « morts » et aujourd’hui sont «ressuscités ». La leçon qui se dégage, c’est que le pouvoir ne se donne pas, il s’acquiert au prix de mille et un sacrifices…en Afrique.
Les Ivoiriens et surtout les jeunes, doivent se faire à l’idée qu’aucun témoin ne leur sera transmis. Ils doivent aller à la recherche du pouvoir avec leurs propres armes sans compromission. Pour ceux qui attendent le messie, il est bon de savoir que celui-ci n’est pas de tous les siècles. Il est déjà venu et le monde n’en attend pas un deuxième ! Ainsi va le pays. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.
NAZAIRE KADIA