Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly, deux de nos artistes à la renommée mondiale, ont toujours fait la Une des journaux et le buzz sur les réseaux sociaux du fait de leurs déclarations fracassantes ou de leur silence sur la politique nationale et sous-régionale. Présentés comme des artistes engagés, force est de reconnaître que leur engagement, leurs prises de position et leurs opinions sont souvent à géométrie variable et contradictoires.
Sous la gouvernance du président Bédié, Alpha Blondy a sorti un tube à succès dont une des chansons s’en prenait aux chefs d’Etats qui se faisaient élire plusieurs fois. La chanson disait ceci : « … président élu une fois, deux fois, trois fois, ça devient une dictature…bombe tribale, bombe coloniale comment allons-nous faire pour la désamorcer ? … la démocratie bananière conduira à la guerre civile, la démocratie bananière pour les républiques bananières… ».
Après avoir donc fustigé ceux qui avaient la boulimie du pouvoir, Alpha Blondy a surpris nombre d’ivoiriens, quand il a eu à se prononcer sur les velléités d’un troisième mandat du chef de l’Etat actuel en 2020. Ses déclarations étaient aux antipodes des affirmations dans la chanson susmentionnée. Bien entendu avec cet artiste, on n’est pas à un revirement près ! Ecoutons-le : « …le président Alassane Ouattara on l’aime ou on l’aime pas, ce monsieur est un bosseur. Un troisième mandat pour lui ce n’est à pas moi de l’accepter ou pas, mais déjà la constitution lui en donne le droit… ».
C’est une opinion comme une autre. Mais Alpha Blondy avait-t-il lu la Constitution pour être aussi péremptoire dans ses affirmations ? Ou l’affirmait-il parce que le chef de l’Etat l’avait dit ? Comment pouvait-il en être aussi sûr là où messieurs Ouraga Obou et Cissé Bacongo, les concepteurs de la constitution de la troisième République et les autres « juristes de Koumassi » nous affirmaient la main sur le cœur, que l’actuel chef de l’Etat n’était plus éligible au regard de ladite constitution ? Mais nous sommes habitués aux frasques de Jagger, à ses opinions changeantes et souvent contradictoires.
N’avait-il pas affirmé que Laurent Gbagbo était fou ?
N’avait-il pas affirmé que M. Laurent Gbagbo était fou ? Qu’attendre d’un tel homme ?
Il serait vraiment désolant que certains des nôtres forgent leurs opinions à partir des acrobaties d’Alpha Blondy. Avec lui, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Cerise sur le gâteau, l’homme soutient que le chef de l’Etat a œuvré pour la libération et le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Comment peut-il sans rire prendre des libertés avec la vérité d’une histoire dont nous sommes tous contemporains ?
Tiken Jah Fkoly était aussi très en verve sous la gouvernance des présidents Bédié et Gbagbo. Très actif sur les bords du fleuve Niger, il enchaînait les chansons aux allures de diatribes pour clouer au pilori le gouvernement de Bédié puis celui de Gbagbo. On se souvient de son titre « mon pays va mal » où il dénonçait selon lui, les tares du gouvernement Bédié, la mauvaise gouvernance faite d’injustice, de népotisme, de corruption, de tribalisme, « d’ivoirité», etc. Avec Gbagbo, il chantait « mal élu » où il déversait sa haine issue de la « charte du nord » sur le gouvernement Gbagbo, dont il demandait le départ sinon souhaitait la chute.
Il a apporté un soutien actif à la rébellion du nord, dont il aurait été un des grands bénéficiaires selon les mauvaises langues. Quand finalement son vœu fut exaucé et que le président Gbagbo a quitté le pouvoir sous les bombes de la France et de l’ONUCI, et que celui qu’il soutenait, conduit désormais les destinées de notre pays, Tiken Jah Fakoly est « rentré en brousse », il est devenu aphone alors que la situation sociale n’est guère meilleure à celle qui prévalait sous Bédié ou sous Gbagbo.
Silence radio du côté de notre star
Les mauvaises langues affirment même que la situation sociale est allée de mal en pis. La politique de rattrapage ethnique, les emprisonnements d’opposants, la corruption, l’instrumentalisation des institutions de la République, les détournements de deniers publics, sont-ils des éléments de bonne gouvernance aujourd’hui ? Le pays va-t-il mieux désormais ? Silence radio du côté de notre star. Et quand il veut dénoncer quelque chose sous la troisième République, il parle si fort qu’on entend rien !
Il a essayé de dénoncer les velléités d’un troisième mandat de l’actuel chef de l’Etat, mais est rentré très vite dans les rangs, quand les habitants de la case ronde ont réagi vivement. C’était Alpha Condé de la Guinée qui était au même moment, sa cible, dans la tentative de ce dernier de modifier la constitution, pour se donner la possibilité d’un troisième mandat. Alpha Condé serait « fou…fou…fou ». Quid du troisième mandat d’Alassane Ouattara ?
L’exemple de ces deux artistes, montre de toute évidence, que ceux qu’on appelle des leaders d’opinion, ne sont que de simples mortels qui, comme tous les hommes agissent, émettent des opinions, prennent des positions au regard de leurs intérêts.
Il serait illusoire de penser que ce sont des modèles à suivre. Ainsi va le pays. Mais soyez sans crainte, l’ivraie sera séparée du vrai.
NAZAIRE KADIA