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L'argent de la politique n'est pas bon

CAFÉ CHAUD

Combien sont-ils, ceux qui, en politique, résistent à l’achat de conscience, et refusent même des virements bancaires indus? (Par Sylvain Takoué)

Pour nous éduquer à la vraie vie, celle de la probité montrée en toutes circonstances, nos pères nous disaient, qu’hier, c’est-à-dire dans les temps où les valeurs humaines étaient avérées, la parole donnée faisait l’Homme. Ainsi, une personne qui, dans la vie en société, donnait sa parole à une autre, forçait celle-ci, au sens de l’estime acquise, à y croire sans le moindre doute. On disait alors que les gens étaient tellement véridiques, qu’ils pouvaient tout garantir d’eux par leur simple parole donnée. 

Par exemple, quand, coincé par une mauvaise situation financière survenue chez lui, quelqu’un s’en allait demander un petit prêt d’argent à un ami, il lui disait, une fois l’argent reçu : « Mon frère, je te le rembourserai tel jour ». 

L’autre, ainsi sollicité, y croyait sans rechigner. Le jour du remboursement venu, l’emprunteur, s’il avait pu avoir l’argent, s’en allait remettre son dû au généreux ami. Si, au contraire, l’emprunteur n’avait encore pu avoir l’argent, il allait simplement voir l’ami pour lui demander de prendre un peu de patience. Puis le remboursement était fait, dès que possible, et les bons comptes faisaient les bons et vrais amis.

Cet art de la parole donnée, ne se faisait pas uniquement en matière d’emprunt d’argent. Il valait aussi pour toute autre situation entre personnes dans la société. Car dire, était fiable ; promettre, était viable ; faire, était louable. 

Chez les Asiatiques du Sud-est, comme par exemple au Japon, la parole donnée est un code d’honneur. Un engagement fait, est pris à la lettre. La valeur intrinsèque d’une personne est mesurée à ce qu’elle dit ou fait. Un  Japonais vaut par son exemplarité morale. La probité n’est pas de la blague en pays nippon. C’est pourquoi, au temps des Samouraïs, ces ardents guerriers du sabre, la pratique du hara-kiri, suicide que se fait le samouraï fautif, par l’ouverture de son bas-ventre à l’aide de son sabre, était appliquée sans état d’âme. 

Dans la Chine d’aujourd’hui, un Chinois corrompu ou corrupteur connaît son sort intransigeant, implacable. Un detourneur ou voleur d’argent public sait aussi ce qui l’attend. Le Président de la Chine populaire, Xi Jinping, a résumé, dans son programme politique et économique, le comportement de probité dans son pays, par cette maxime : « Racler de l’os, le poison de la corruption », ou encore : « S’attaquer aussi bien aux mouches, qu’aux tigres », parlant des voleurs d’argent public. Et ces paroles écrites sont appliquées dans toute leur rigidité dans le pays, pour le bonheur du peuple.

Voilà donc des civilisations humaines, qui ne font pas de la demi-mesure pour les valeurs appliquées en société, et qui font ainsi preuve d’une parfaite authenticité sociétale. Chez nous, et surtout à notre époque, l’art de la parole donnée, si sacrée autrefois où la parole était comme celle des évangiles, a foutu le camp. On ment, tout le temps, comme on respire. On ment comme un dentiste arracheur de dents. Mentir, est la chose la mieux partagée. 

L’argent de la politique n’est pas bon

On ne s’en prive pas, on ne s’en gêne guère. On en a l’esprit tout imbibé, et on en a l’âme toute faite. On ment pour vivre, on ment pour plaire, on ment pour séduire, on ment pour flatter… Un adage dit : « A beau mentir, qui vient de loin ». Non, cet adage n’est plus vrai. Car, alors qu’on est pourtant bien connu d’eux, on ment aux nôtres, on ment à nos proches, on ment dans notre cercle. On ne vient pas de loin en le faisant, on est connu, et on est même connu pour cela. 

Mentir, est même un gagne-pain. C’est comme de l’eau à boire. C’est devenu un art qu’on exerce en toute lucidité, une seconde nature qu’on se donne, en toute conscience. On y est brillant, on y est ingénieux, on y est dans notre élément… C’est en politique, que la chose est un cancer.

Face à l’argent, et pour de l’argent, on ment facilement, on est même prêt à mettre notre main au feu, pourvu qu’en retour, on y mette le magot, le pognon, l’argent frais, en espèce sonnante et trébuchante. L’argent de la politique n’est pas bon, prévient-on. Il fait qu’une personne normale se renie elle-même, renie ses idées et ses convictions, vend son âme au plus offrant, fait l’âne pour avoir le foin, ou, comme une chèvre, broute là où elle se fait attacher.

Combien sont-ils, en effet, ceux qui, au départ de leur entrée en politique, se disaient « intègres », et qui, chemin faisant, ont même oublié ce mot, à cause de l’appât du gain? Combien sont-ils, ceux qui ne tremblent pas de tout leur corps, quand une enveloppe dodue, boursoufflée et bourrée de liasses de billets de banque, leur est tendue entre quatre mur, à l’abri des regards, non seulement pour se vendre politiquement, eux-mêmes, ou vendre et trahir d’autres ? 

L’argent facile de la politique tient notre estomac

Là, adieu, les belles idées pour le changement politique du pays. Le pays peut pourrir, on s’en fout royalement. Adieu aussi, les caciques camarades de lutte d’hier. Ils ne peuvent pas réinventer la roue. L’argent facile de la politique tient notre estomac. Il fait que le mensonge politique est l’opium du peuple, tout comme Karl Marx le disait de la religion.

Combien sont-ils, ceux qui, en politique, résistent à l’achat de conscience, et refusent même des virements bancaires indus, faits dans leurs comptes, par des hauts placés politiques corrompus, pour leur faire fermer la bouche et les yeux ?

Sous nos tropiques, ce qui se passe en Asie du Sud-est, ou encore en Norvège, est comme loin de la terre : pendant que, là-bas, la corruption flairée aux moindres niveaux, que le vol de l’argent public, commis par le moindre fonctionnaire d’État, et que le mensonge politique des dignitaires de regime, est un totem inviolable, notre bourgeoisie politique d’ici, tant dans la fonction publique, que dans l’appareil d’Etat, jusqu’au sommet, mange l’argent du peuple travailleur, qui s’en voit privé, et il n’y a pas à y redire. 

Par qui, d’ailleurs, puisque tout le monde semble en est mouillé ? Au Rwanda, un effort est cependant à applaudir : la maxime chinoise qui dit de « s’attaquer aussi bien aux mouches, qu’aux tigres », trouve écho dans ce pays africain, où il est aussi dit ceci : « S’attaquer, non seulement aux petits poissons, mais aussi et surtout, aux gros poissons ».

Mais l’argent politique pourrait-il jamais cesser de ne pas être bon en Afrique,  c’est-à-dire dans un continent où l’esprit de l’Africain aime s’attendre au gain (financier) facile ?

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