Depuis que les velléités de candidature à la présidentielle, manifestées par Laurent Gbagbo et matérialisées par son choix d’être le porte-étendard de son parti, le Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (Ppa-Ci), le porte-parole du gouvernement n’a eu de cesse de clamer relativement à cette candidature, que la loi doit être respectée et strictement appliquée.
Ce n’est un secret pour personne, une hypothèque pèse sur la candidature de Laurent Gbagbo, de Blé Goudé et de Guillaume Soro, du fait d’une condamnation à des peines de prison par la justice ivoirienne. De ce fait, ceux-ci ne figurent pas sur la liste électorale, et partant, ne sont ni éligibles ni électeurs.
Si dans une démocratie, l’application de la loi et de son respect doivent être le crédo de tous, n’est-ce pas cette application stricte de la loi en 2000, ayant entraîné de facto l’élimination de certaines candidatures, qui a été considérée comme l’expression d’une exclusion et d’une xénophobie, et qui a servi de socle et de justification à la rébellion venue du nord qui a défiguré notre pays ? Nul ne peut s’offusquer que la loi soit appliquée dans toute sa rigueur, loin s’en faut.
Mais en même temps on ne peut oublier qu’en 2010, des décisions politiques ont été prises pour contourner des difficultés liées à l’application de notre loi fondamentale, au nom de la paix. Ainsi, alors qu’en 1995, l’actuel chef de l’Etat, alors dans l’opposition, avait déclaré ne pas pouvoir faire acte de candidature à l’élection de cette année-là, parce que la constitution ivoirienne ne lui permettait pas, il a été candidat en 2010 malgré le fait que la constitution n’avait pas changé, du moins dans ses dispositions relatives aux conditions de candidature.
Une décision politique pour contourner la loi
Pour surmonter l’obstacle, le président Laurent Gbagbo a dû user de l’article 48 de la constitution pour rendre possible la candidature de l’actuel chef de l’Etat, Alassane Ouattara, en dépit des dispositions de notre loi fondamentale. Cette candidature à titre exceptionnel en 2010, puis dérivée en 2015, avant le passage en force de 2020, aurait-elle pu être possible si la loi avait été appliquée dans toute sa rigueur ? C’est un fait historique qu’on ne saurait occulter, encore moins balayer du revers de la main.
Une décision politique a permis de contourner la loi avec pour souci, la préservation de la paix. Ce même souci doit pouvoir animer les dirigeants actuels du pays, qui en ont bénéficié, et qui devait leur permettre d’organiser des élections inclusives.
Autrement, on se mettrait à penser que la litanie récitée de la loi qu’on doit respecter et qui doit être appliquée n’est qu’une volonté manifeste de s’appuyer sur des décisions d’une certaine justice pour se donner des moyens juridiques d’éliminer des adversaires. N’est-il pas possible de se servir des leçons du passé pour trouver des réponses aux préoccupations actuelles afin de préserver des vies humaines ? Pourquoi ce qui a été possible hier ne peut pas l’être aujourd’hui ? Pourquoi verser dans un juridisme qu’on dénonçait hier ?
Le respect et l’application stricte de la loi, ne doivent pas être à géométrie variable
Mais il est aisé de comprendre que les calculs politiciens sont toujours de mise. Tout comme le souci de toujours garder une position dominante, d’avoir une longueur d’avance à l’effet de conserver le pouvoir à tout prix, prime sur toute autre considération. Au demeurant, ce pouvoir peut-il donner des leçons de respect de la loi, ou des décisions émanant des institutions de la République ?
Dans ce cas, pourquoi le parti sur lequel est fondé ce pouvoir, n’avait-il pas respecté la décision du Conseil Constitutionnel présidé par Paul Yao Ndré, quand celui-ci a proclamé Laurent Gbagbo vainqueur de l’élection présidentiel de 2010 ? Pourquoi, aidé par la France et sa « communauté internationale », a-t-il piétiné la décision de cette institution, alors qu’ici comme ailleurs, la loi stipule que les décisions de cette institution ne sont pas susceptibles de recours, encore moins de contestations, parce qu’ayant la force de la chose jugée ?
Pourquoi ne s’est-il pas plié à cette décision, au point de provoquer une confrontation qui fit officiellement 3000 morts ? Le respect et l’application stricte de la loi, ne doivent pas être à géométrie variable, selon qu’ils favorisent ou défavorisent. Et s’adonner à un juridisme dans des situations cruciales, est indécent. Il faut savoir raison garder et ne penser qu’à la nation. Ainsi va le pays. Mais arrive le jour om l’ivraie sera séparée du vrai.