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Déconstruction de la société ivoirienne: Quand les modèles et référents de la jeunesse sont «fabriqués » par les réseaux sociaux 

Culture et société

Déconstruction de la société ivoirienne: Quand les modèles et référents de la jeunesse sont «fabriqués » par les réseaux sociaux 

La semaine écoulée, l’actualité fut focalisée sur un jeune homme interpellé par la police économique, pour avoir exhibé devant les caméras, un sac rempli de billets d’argent dont il doit  justifier la provenance. Ce jeune homme, dit-on, est un des nombreux «influenceurs » qui écument la toile ivoirienne, en se peignant un univers de vie fantasmagorique et illusionniste, a une influence certaine sur de nombreux jeunes, en manque de repères et de modèles. Il est considéré comme « l’homme le plus debout » de sa génération et l’exhibition d’une aisance financière est son passe-temps. 

Comment gagne-t-il tout cet argent ? Quelles sont ses activités professionnelles qui lui procurent autant d’argent ? Cet argent lui appartient-il vraiment ? Peu importe. Il sert de modèle à de nombreux jeunes gens naïfs qui rêvent de lui ressembler, et c’est à ce niveau que se situe le drame. Quelle société sommes-nous en train de bâtir? Quel héritage allons-nous laisser aux générations futures ?

Ceux qui tiennent les rênes du pays, arc-boutés sur leurs certitudes, leurs projections et leurs petits calculs politiciens, pensent véritablement tenir en main le destin du pays, et croient pouvoir dessiner demain à leur guise et selon leurs besoins… Pendant ce temps, lentement mais sûrement, nous assistons à une déconstruction de la société ivoirienne. Les valeurs qui sont le fondement de notre société, vont à vau-l’eau, pour faire place à la célébration de la médiocrité, voire de la dépravation. 

C’est à une véritable inversion des valeurs à laquelle il nous est donné d’assister. Si l’on n’y prend garde, la situation dans le court terme sera intenable. Mais objectivement, à quoi peut-on s’attendre, si des jeunes gens ont pris le pli d’assiéger tout un quartier, armés d’armes blanches de tout genre, d’agresser, de voler et même de tuer d’honnêtes citoyens sans que le ciel ne leur tombe sur la tête ? 

Au surplus, il est même interdit à la population de les appeler par le surnom qu’ils se sont eux-mêmes donné : les microbes. Ils ont désormais droit à un joli nom de caresse : «les enfants en conflit avec la loi ».

À quoi peut-on s’attendre dans une société où des arnaqueurs notoires, appelés « brouteurs», peuvent être célébrés?

A quoi peut-on s’attendre dans une société où des arnaqueurs notoires, appelés « brouteurs», peuvent être célébrés, alors qu’il est de notoriété publique que le mode de vie ostentatoire qu’ils affichent est le fruit d’escroquerie et d’activités illicites et illégales? Les modèles et les référents de notre jeunesse sont « fabriqués » par les réseaux sociaux, où un buzz fait d’un inconnu une célébrité du jour au lendemain. Ainsi un individu se fait-il filmer sortant de sa douche avec de la mousse de savon dans les oreilles ? 

Le voilà propulsé au rang de héros, reçu en grande pompe dans les cabinets ministériels, écumant les plateaux de la télévision et de la radio nationales et porté au panthéon de de la République ! A quoi peut-on également s’attendre quand la jeunesse ivoirienne est inspirée par des « influenceurs » et des « influenceuses », aux connaissances incertaines, à la morale douteuse pour certains, et véritables stars des réseaux sociaux ? 

Les Ivoiriens sont devenus friands des clashs, des invectives et des injures sur les réseaux sociaux

Le comble, c’est qu’on retrouve certains d’entre eux sur les chaines de la télévision nationale, animant ou du moins escamotant des débats où l’étalage de leurs insuffisances le dispute à la vacuité des thèmes abordés. Les ivoiriens sont devenus friands des clashs, des invectives et des injures sur les réseaux sociaux qui demeurent l’essentiel de leur source d’information. Ils ne font plus confiance à la RTI, excédés qu’ils sont d’entendre les « sous le haut patronage, sous le haut parrainage et sous la présidence… ». 

Combien sont-ils ces jeunes ivoiriens à prendre du recul et à faire des analyses des informations reçues via les réseaux sociaux, à l’effet de se forger une opinion personnelle ? Combien savent-ils que de fausses informations ou des informations manipulées sont intentionnellement distillées par certaines personnes sur les réseaux sociaux avec des résultats attendus ? 

Que dire de ce jeune garçon qui, il y a quelques temps, s’est fait des entailles sur la peau, pour y graver le surnom d’un richissime opérateur économique malien, à l’effet d’attirer son attention et bénéficier de ses largesses ? Peut-on oublier l’image de cet adulte, en pleine possession de ses moyens, entrain de ramper devant cet opérateur économique malien pour avoir de quoi répondre à ses préoccupations existentielles ? Aujourd’hui, ce « rampeur » se répand sur les réseaux sociaux pour narguer ceux qui désapprouvent ses « activités de mendicité », en affirmant fièrement avoir construit deux maisons avec ses activités «stratégiques » de mendiant, alors que ces derniers sont toujours des locataires de maison. 

Comme quoi la fin justifie les moyens, mais quelle misère !

Il y a quelques temps, le phénomène météorologique de l’homosexualité  a secoué la toile ivoirienne et semble avoir gagné du terrain en Eburnie, au grand dam de nombreux ivoiriens. Si jusque-là, le phénomène est toléré, le sans-gêne de certains « concernés », à la limite de l’exhibition, voire de la défiance, agace au plus haut point de nombreux ivoiriens, qui sont intrigués par le silence de toutes les autorités (politiques, coutumières, religieuses, etc.). Ici aussi, les mauvaises langues affirment que c’est grâce à la tolérance et à la protection des « concernés » par le gouvernement, que le pays peut obtenir des prêts, des dons des institutions financières internationales, pour la construction des routes, ponts et autres échangeurs. Vrai ou faux ? Difficile de se prononcer.

En revanche, le Ghana et l’Ouganda qui ont légiféré sur ce phénomène en prenant des lois répressives, ont subi l’ire des mêmes institutions financières internationales qui ont décidé de leur couper tous les aides et appuis financiers. Mais le ciel n’est pas tombé sur la tête des Ghanéens et des Ougandais, et la terre continue de tourner autour du soleil. C’est tout dire ! Au vu de tout ce qui précède, on peut à juste titre poser cette question : à qui la faute ?

Mais on sait, qu’en portant un parti politique au pouvoir, on l’y porte avec son programme de gouvernement et son projet de société. Alors ce qui se passe dans la société ivoirienne, est-il la conséquence de la mise en œuvre du projet de société du parti au pouvoir?  Violente question ! Ainsi va le pays. Mais s’il y a eu un soir en Eburnie, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.

NAZAIRE KADIA

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