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Déguerpissement musclé à Adjamé

Culture et société

Déguerpissement musclé à Adjamé village, terreur du gbaka vert en 2020: Pourquoi le recours à des supplétifs ne doit pas devenir une habitude; qu’en sera-t-il en 2025 lors de la présidentielle ?

Depuis 2011, presque toutes les opérations de déguerpissement et d’expropriations pour utilité de service public, se poursuivent et se ressemblent. Elles s’accompagnent toujours de pleurs, de lamentations et de désolation pour les populations impactées. On retrouve ces populations dormant sous les ponts, à même les gravats de leurs habitations et pour d’autres au cimetière. Pourquoi arrive-t-on toujours à ces situations dramatiques ? 

Pourtant, des précédents il y en a eu au cours de la jeune histoire de notre pays. Des déguerpissements et  des expropriations, il y en a eu à profusion dans ce pays. Il n’y a qu’à se souvenir de la construction du barrage de Koosou, ou du barrage de Taabo pour s’en convaincre. Il n’y a eu ni gémissements, ni lamentations encore moins de complaintes des populations à déplacer. 

Les dirigeants de cette époque se sont fait un point d’honneur de trouver des pied-à-terre aux impactés, d’abord, avant de procéder à la destruction des villages pour permettre la construction des infrastructures. Le même modus operandi a été observé quand il s’était agi de déguerpir les habitants du quartier précaire de Washington à Cocody. Le gouvernement d’alors de Bédié s’est fait le devoir de construire des logements à Biabou pour les impactés avant la destruction de ce quartier précaire de Cocody.

Aujourd’hui, le mode opératoire semble avoir changé. On détruit avec une célérité et une brutalité qui défient tout entendement, avant de songer à un quelconque dédommagement : laissant des pères et des mères de famille dans la désolation, obligés pour certains de se réfugier sous les ponts. Personne ne nie la nécessité qu’il y a de déguerpir les populations installées dans les zones à risque pour leur  propre sécurité, encore moins l’expropriation pour cause d’utilité publique, ou encore pour la lutte contre le désordre urbain. 

Qui ne se souvient pas du mea culpa du ministre-gouverneur relativement à la destruction d’un groupe scolaire à Yopougon Gesco ?

Ce qui est en cause, c’est la célérité dépourvue d’humanisme dont fait preuve souvent le District d’Abidjan pour détruire les habitations sans avoir auparavent réglé tous les problèmes en amont. On comprend le souci du ministre-gouverneur d’assainir Abidjan et lui donner une fière allure. On comprend également le souci du gouvernement de mettre en place des infrastructures pouvant permettre la fluidité de la circulation à Abidjan. 

Mais tout ceci peut et doit se faire dans le strict respect des procédures que le gouvernement a lui-même édictées. On s’explique difficilement ces destructions au pas de course, accompagnées d’explications et de justifications contradictoires. Qui ne se souvient pas du mea culpa du ministre-gouverneur relativement à la destruction d’un groupe scolaire à Yopougon Gesco ?

Quant à l’opération d’expropriation à Abidjan-Adjamé qui fait toujours la une de l’actualité, beaucoup de choses ont été dites avant qu’on ne commence à voir et à se faire une idée de ce qui se passe. Des individus, certainement mal intentionnés ont instrumentalisé un communiqué d’une institution qu’ils ont fait circuler à profusion, pour faire croire que les chefs Ebrié d’Abidjan-Adjamé avaient déjà perçu la somme d’un peu plus de 4 milliards d’indemnisation et cependant s’opposent à ce que leurs maisons soient détruites pour la construction de la route passant par leur village. 

C’est une manipulation de mauvais goût, heureusement battue en brèche par le Directeur Général de l’Ageroute. Celui-ci a affirmé sur le plateau d’une télévision privée, que l’argent prévu pour indemniser les impactés du projet se trouve dans un compte séquestre. Ce qui revient à dire que d’indemnisations, il n’y en a pas eu. Dans ce cas, pourquoi s’est-on empressé de détruire les habitations avant de penser à indemniser?

Respect des procédures mises en place, des lois et des droits de l’homme

Les populations se seraient-elles révoltées si la procédure normale avait été respectée ? D’autant plus que feu le premier minstre Amadou Gon Coulibaly, avant le début des travaux, avait donné l’assurance  que les populations seraient indemnisées avant leur déguerpissement. Pourquoi cela n’avait-il pas été fait comme il l’avait annoncé?

Si toutefois, les opérations de déguerpissement ou d’expropriation sont nécessaires pour la réalisation de projet d’intérêt commun, on ne peut s’empêcher de penser avec force conviction, que cela doit se faire dans le strict respect des procédures mises en place, des lois et des droits de l’homme ! Mais ce qui choque nombre d’ivoiriens au cours des événements d’Abidjan- Adjamé, c’est la présence aux côtés des forces de l’ordre, d’individus armés de gourdins, d’armes à feu ou de barres de fer, s’en prendre aux populations.

Qui sont-ils ? Quel est leur statut ? La police ivoirienne est-elle si faible au point d’avoir recours à des supplétifs ? La présence de ces individus dans une opération de maintien de l’ordre, est inacceptable. Cela est une atteinte à l’Etat de droit. Quelle est cette propension qu’ont nos autorités à utiliser des individus non formés aux principes de base du maintien de l’ordre ? 

L’utilisation de forces parallèles ne doit pas devenir une habitude

Si la police nationale est débordée dans une opération de maintien de l’ordre, ne peut-on pas faire appel à la gendarmerie ? Ou, au pire des cas à l’armée, même s’il est connu que celle-ci n’est pas formée pour de telles opérations ? On se rappelle de triste mémoire, que ces supplétifs se sont illustrés aux côtés des forces de l’ordre, lors des manifestations contre le troisième mandat en 2020. 

Circulant à bord du désormais célèbre « gbaka vert », et encadrés par les forces de l’ordre, ils ont semé impunément mort et désolation dans les rangs des militants de l’oppostion. Qui ne se souvient pas du jeune homme décapité dans une ville du centre du pays, et dont la tête a servi de ballon de football ? Il est temps que le Procureur de la République s’en émeuve, pour que de telles pratiques ne prospèrent  plus dans un pays qui se dit démocratique.  

L’utilisation de forces parallèles ne doit pas devenir une habitude : sinon qu’en sera-t-il en 2025 lors de l’élection présidentielle ? En tout état de cause, tous les Ivoiriens aspirent à un bien-être grâce aux infrastrures mises à leur disposition par l’Etat. Mais on ne peut occulter le fait que l’homme doit être au début et à la fin de tout projet de développement. Sinon à quoi cela servirait ? Ainsi va le pays. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.

NAZAIRE KADIA 

Analyste politique

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