Par un heureux hasard, j’ai découvert sur la toile, un clip vidéo d’une chanson qui a retenu mon attention, arraché un sourire et m’a mis dans une profonde réflexion. Je n’en connais pas l’auteur, mais le titre est : « Tout arrangement, y a un dérangement ». Quand on rapporte le thème de cette chanson dans le paysage politique ivoirien, on ne peut s’empêcher de se rendre à l’évidence que de nombreux arrangements politiques entre les différents animateurs de notre espace politique, ont fini en queue de poisson et donc dans un dérangement, mais avec un dénominateur commun, le Rhdp. Les exemples sont légion.
L’histoire politique de notre pays est jalonnée d’arrangements sous la forme d’alliance, de partenariat ou de rapprochement entre différents partis politiques et le Rdr, aujourd’hui Rhdp qui n’ont duré que le temps d’une ambition. Ainsi, on a en souvenir, sous la gouvernance de feu Henri Konan Bédié et le Pdci-Rda, un « arrangement », donc une alliance fut nouée entre le Fpi de Laurent Gbagbo et le Rdr de feu Djéni Kobina.
Il s’agissait pour ces deux partis de mettre en synergie leurs efforts, pour obtenir des avancées dans le cheminement démocratique de notre pays. Le Front Républicain venait ainsi de naître. Deux partis idéologiquement opposés venaient de se mettre en alliance, une alliance que certains ont qualifié de contre-nature. « L’arrangement » fut matérialisé par l’organisation d’actions communes comme les marches de protestation, de revendications, des conférences, etc.
Mais après la disparition de Djéni Kobina en 1998, va apparaître le « dérangement ». Des divergences interviennent au niveau de l’objectif à assigner à la lutte. Pour le Fpi, la lutte était d’obtenir des conditions équitables d’organisation des élections. Cela passe par la mise en place d’un organe indépendant en charge de ces élections en lieu et place du ministère de l’Intérieur, le vote à 18 ans, l’utilisation du bulletin unique, etc. Les préoccupations du Rdr étaient ailleurs.
La désillusion du PDCI
La lutte commune engagée devait être centrée sur l’éligibilité du nouveau mentor de ce parti, Alassane Ouattara, qui ne l’était pas à cette période. Ces deux visions opposées ont fini par faire voler en éclats « l’arrangement », et partant, le Front Républicain au lendemain du coup d’état de 1999. Ainsi la ferveur qui a prévalu aux premiers pas de l’arrangement donc du Front Républicain, a fait place à un antagonisme qui continue jusqu’aujourd’hui.
Le deuxième cas d’arrangement qui a fini par un dérangement, est celui du Pdci-Rda et le Rdr devenu Rhdp, au second tour de l’élection présidentielle de 2010. Eliminé au premier tour de cette élection, feu Henri Konan Bédié a appelé ses partisans à reporter leurs voix sur le candidat du Rdr au deuxième tour. Une fois le pouvoir acquis, les deux partis se partagèrent les postes de responsabilité pour gouverner ensemble.
L’arrangement était si bien huilé qu’à la fin du premier mandat de Ouattara, Feu Henri Konan Bédié, sans qu’on ne le lui demande, prit sur lui de lancer ce qui fut connu sous le nom » d’appel de Daoukro » à l’effet d’accorder un second et dernier mandat à Alassane Ouattara au regard de la constitution ivoirienne. Le plus vieux parti ivoirien s’est donné corps et âme, a fait tous les sacrifices et toutes les concessions possibles, à la limite de la compromission, au nom de l’arrangement.
Assuré qu’il était qu’après 2010 et 2015, 2020 sera à lui. Mais à l’approche de l’échéance de 2020, il fut répondu au Pdci-Rda, qu’aucune promesse ne lui a été faite, aucun engagement n’ a été pris avec lui. Et qui plus est, l’alternance n’est pas un programme politique. Cerise sur le gâteau, de nombreux cadres du Pdci-Rda, désormais habitués aux ors et lambris dorés qu’offre le sillage du pouvoir, ont tourné le dos à leur parti et sont devenus son plus grand pourfendeur.
Le dérangement d’Affi risque de s’accentuer
L’arrangement finit ainsi par un dérangement et les deux partis se regardent dorénavant en chiens de faïence. Le dernier exemple qui ne clôt pas la liste, est le partenariat signé entre le Fpi d’Affi N’guessan et le Rhdp. Ce partenariat qui était censé relancer la réconciliation, la face visible de « l’issèbè » (iceberg), vient de voler en éclats. Pour rappel, au plus fort du bras de fer entre Affi N’guessan et Laurent Gbagbo pour le contrôle du Fpi, le Rhdp a encouragé en sous-main le premier nommé dans sa défiance au fondateur du parti, défiance qui logiquement devait se terminer devant les tribunaux, et in fine par l’humiliation de l’ancien président.
Ceci à coup sûr, devrait sonner le glas de son parcours politique. Le schisme fut consommé dès lors que Laurent Gbagbo a contourné l’obstacle en laissant le Fpi à Affi pour créer le Ppa-Ci. Celui-ci ne tardera pas à mettre en œuvre sa « technique d’approche » (TAP), en sollicitant une alliance avec le Rhdp. Il se heurta à une fin de non-recevoir, le président du Rhdp estimant que leurs deux partis n’étaient pas de la même obédience idéologique.
Sans se décourager, Affi remit le couvert pour obtenir à la veille de l’élection couplée des municipales et des régionales, un « partenariat » devant lui assurer visibilité et existence. Malheureusement il perdit les élections dans le Moronou, et à la formation du nouveau gouvernement, aucun strapontin ne fut proposé au Fpi. Le partenariat entre le Fpi et le Rhdp se conjugue désormais au passé.
Affi vient de se rendre compte que pour le Rhdp, « l’arrangement » ne se conçoit qu’en termes de soumission ou d’absorption, rejoignant ainsi la conclusion de feu Jean Konan Bany. Le dérangement d’Affi risque de s’accentuer, car, point à l’horizon un schisme. Des collaborateurs d’Affi et certains militants refusent la fin du partenariat. Si le schisme devient une réalité, Affi n’aura que ses yeux pour pleurer comme Anaky Kobina, fondateur du Mfa , parti qui lui a échappé aujourd’hui. Comme on le voit, à « tout arrangement » avec le Rhdp, il y a toujours un dérangement pour le partenaire. Ainsi va le pays. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.
NAZAIRE KADIA