Il y a un an, le 14 novembre 2023, les Forces armées maliennes (FAMa) faisaient leur entrée dans la ville stratégique de Kidal, qui, jusque-là était aux mains des rebelles du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (Csp-Psd). C’est une victoire symbolique et significative à maints égards. Elle est la preuve que lorsqu’un peuple, en congruence avec ses dirigeants, décide de prendre son destin en main, et de tout faire par lui-même et pour lui-même, le succès ne peut que suivre.
Certes, la guerre contre les terroristes n’est pas encore gagnée, mais cette victoire a fait tâche d’huile, a conduit et conduira certainement à d’autres. Mais pour y arriver, que de péripéties ! Que d’attaques ! Que de moqueries et d’humiliation pour les Maliens!
Ceux-ci et leurs dirigeants ont souffert dans leur chair et dans leurs âmes, juste pour avoir manifesté des velléités de définir par eux-mêmes et pour eux-mêmes ce qui leur sied. Ils étaient la cible privilégiée des autorités et de la presse françaises. Ils ont subi leurs écarts de langage, sans oublier ceux de leurs relais en Afrique.
Ils ont enduré tous les coups tordus de l’ancien colonisateur, dans sa volonté de demeurer coûte que coûte, celui qui devait avoir les cartes en mains et les distribuer, à une période où sa présence était contestée et où il a commencé à perdre pied. Comme si cela ne suffisait pas, les voisins du Mali, plutôt que d’aider honnêtement celui-ci dans sa lutte contre les terroristes, se sont évertués à mener une lutte par procuration, à l’effet de mettre à mal les colonels de Bamako, pour le bonheur de l’ancien colonisateur.
Ainsi, l’ex-président nigérien, Mohamed Bazoum, ne ratait aucune occasion sur les chaînes de télévision françaises, pour accabler le Mali avec une discourtoisie déconcertante. Que dire de l’épisode des 49 militaires ivoiriens retenus au Mali, pour une mission aux contours flous, dont on ne connait pas jusqu’aujourd’hui, les tenants et les aboutissants ?
Mais lorsqu’avec détermination, les Maliens ont réussi à faire plier bagage aux soldats français après le constat de leur échec dans la lutte contre les terroristes, peu étaient les personnes qui donnaient chère de leur peau. Elles étaient nombreuses, ces personnes qui prophétisaient la chute du Mali et sa conquête par les terroristes et autres djihadistes.
Sur un plateau de télévision, à un débat auquel je prenais part, un de mes co-débatteurs, affirmait avec sarcasme que la présence de 450 militaires de Wagner ne pourrait pas sauver le Mali, un territoire plusieurs fois plus grand que la Côte d’Ivoire. Mais voilà que les Français partis, le Mali ne s’est pas effondré, tout au contraire, son armée est montée en puissance, poussant les terroristes jusque dans leurs derniers retranchements.
Comment en est-on arrivé là ?
Pour rappel, en janvier 2013, Dioncounda Traoré, président par intérim du Mali, adressa une demande à la France, à l’effet d’obtenir un appui aérien et du renseignement dans sa lutte contre les terroristes. Nulle part, il n’est fait mention dans cette demande, de la présence au sol de troupes françaises, pour combattre aux côtés des soldats maliens.
Allant au-delà de la demande exprimée par les autorités maliennes, les Français débarquent avec armes et troupes au sol, et commence alors la « reconquête » des zones aux mains des terroristes. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, devant Kidal où l’armée française a pris pied, elle empêche l’armée malienne d’y pénétrer. Et c’est là qu’apparaît toute la perfidie de l’intervention française.
La France n’était pas là pour aider le Mali à recouvrer l’entièreté de son territoire, mais pour protéger les terroristes et faire de Kidal leur sanctuaire, avec en projection la partition du Mali, et la création de l’État de l’Azawad longtemps promise aux Touaregs.
Parmi les soldats maliens bloqués aux portes de Kidal, se trouvait un certain Assimi Goïta. Meurtri dans son âme, frustré par tant d’humiliations, et ayant cerné tout le contour de ce qui se passait réellement, l’homme, une fois le pouvoir en mains, s’attellera à remettre aux Maliens, la conduite de leur destinée. Ainsi le 14 novembre 2023, la citadelle des terroristes, Kidal, qu’on disait imprenable est tombée aux mains des forces armées du Mali.
Bayêté Baba, Bayêté !
On retiendra que, ce que l’armée française, la force européenne Takuba et la Minusma de l’ONU, n’ont pas pu faire en dix ans de présence et de prétendues luttes contre les terroristes, le Mali de Goïta l’a réussi en deux ans. C’est le signe évident qu’un pays ne peut pas et ne doit pas confier la défense de son territoire à d’autres, fussent-ils des puissances nucléaires.
Tous ces pays et toutes ces forces d’interposition, ont des intérêts qui ne coïncident pas toujours avec ceux des peuples qu’ils viennent prétendument aider. C’est le lieu de saluer la résilience du peuple malien et la détermination de ses dirigeants, tous animés par l’esprit « FUBU » : For Us and By Us (pour nous et par nous), car on n’est mieux servi que par soi-même.
La lutte est loin d’être terminée. Le chemin est encore long, la traversée difficile et la transpiration abondante. Mais c’est le prix à payer pour être libre. Voir Kidal et mourir, doit pouvoir…inspirer ! D’ici là, à Assimi Goïta et au peuple malien: Bayêté Baba, Bayêté ! Ainsi va le Mali. Mais s’il y a eu un soir au Mali, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.
Par NAZAIRE KADIA, Analyste politique ivoirien.