C’est un truisme de le dire, les relations entre la France et certains pays de ce qui fut il n’y a pas si longtemps son pré-carré, ont pris des grains de sable qui manifestement grippent la machine naguère si bien huilée. Ainsi après avoir été mise à la porte au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la France est sur le point d’être priée de fermer ses bases militaires au Sénégal et au Tchad, son dernier dispositif stratégique au Sahel.
Assurément, un ressort est cassé dans les relations entre la France et ses anciennes colonies. Et comme toujours pour expliquer cet état de fait, la presse française, ainsi que les nombreux experts qui écument les plateaux des télévisions françaises, n’ont de cesse de pointer du doigt, la Turquie, la Chine et plus particulièrement la Russie.
À toutes les sorties du président français en Afrique, notamment lors de ses dernières visites au Cameroun, au Bénin et en Guinée Bissau, l’année dernière, Emmanuel Macron n’a fait qu’emboucher sa trompette favorite, pour dépeindre la Russie sous toutes les mauvaises coutures. Il ne s’est pas privé de mettre les Africains en garde contre le danger qui les attend dans leur commerce avec la Russie.
Dans la posture d’un professeur dans un amphithéâtre, il s’est évertué à dispenser des cours de géopolitique et de relations internationales à des « étudiants » africains, dont le thème principal est la Russie. Dans ses relations avec ses anciennes colonies, la France ne s’est jamais départie de ses reflexes de pays colonisateur, où condescendance, paternalisme et arrogance cheminent allègrement.
On se rappelle bien la passe d’armes entre Emmanuel Macron et Félix Tshisekedi, à une conférence de presse, lorsque le premier s’était rendu à Kinshasa pour une visite officielle. À aucun moment (du moins officiellement), les dirigeants français n’ont cherché à savoir pourquoi les Africains succombent de plus en plus au discours tenu par Moscou, Ankara ou Pékin.Tout comme ils n’ont pas changé le regard qu’ils posent sur les Africains depuis « l’indépendance », encore moins leurs paradigmes d’approche dans la coopération avec l’Afrique.
Désormais, les relations avec l’Afrique, quel que soit le partenaire, doivent s’appréhender dans une perspective de rapport gagnant-gagnant
Ils donnent l’impression que pour eux, le temps est figé, si bien qu’ils ne se sont pas rendus compte que les temps ont changé et les générations aussi. A aucun moment ils ne se remettent en cause à l’effet de donner une autre trajectoire à leur politique africaine. Il leur revient de s’adapter à cette nouvelle donne ou de faire la place à d’autres.
Désormais, les relations avec l’Afrique, quel que soit le partenaire, doivent s’appréhender dans une perspective de rapport gagnant-gagnant et non le rapport du cheval et du cavalier. Tout le monde doit se rendre à l’évidence que ce que les générations africaines passées ont accepté, même à leur détriment sans protester, ne peut prospérer aujourd’hui dans un monde ouvert, où nul n’a le monopole de l’information.
Les générations actuelles ne l’acceptent pas et attendent vivre de nouvelles expériences, en élargissant la coopération à d’autres puissances. Il ne s’agit non plus, de changer de maître pour un autre, mais de nouer des relations de toutes natures avec tous les pays, dans le respect mutuel, où chaque partie tire profit de la relation. Mais la France est restée nostalgique d’une époque où il lui était loisible de faire et de défaire les dirigeants africains de son pré-carré.
Aujourd’hui, peu sont les rues africaines qui accepteraient de telles forfaitures. Bien plus la relation avec la France n’ a pas été un choix délibéré des pays africains. Celle-ci leur a été imposée depuis la colonisation. C’est pourquoi, l’année dernière, à un moment où le souci des États africains était de trouver des réponses à leurs préoccupations existentielles, ils comprenaient mal, que celui de la France fut de mettre en mission en Afrique, précisément au Cameroun, Jean-Marc Berthon, ambassadeur pour les droits des personnes LGBT.
Après le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Sénégal et le Tchad, qui d’autre priera les militaires français de plier bagages ?
Pour meubler son séjour au Cameroun, il était prévu une conférence débat sur la définition du genre, de l’orientation et de l’identité sexuelle, et un spectacle, certainement pour célébrer cette « abomination ». La fin de non-recevoir opposée par les autorités camerounaises à la visite de ce nouveau type de diplomate, était à la dimension de l’exaspération que suscite cette volonté d’obliger les Camerounais à célébrer l’homosexualité.
Peut-on objectivement penser à Paris, que le souci en ce moment des Camerounais et par-delà des Africains, était de faire la promotion de l’homosexualité ? Ou de recevoir des leçons, au cas où ils ne seraient pas d’accord? Est-ce avec ce genre d’actions que la France espère supplanter la Chine, la Turquie ou la Chine ? La déclaration de Jean-Luc Mélenchon, président de « la France insoumise » à cet effet, doit donner à réfléchir à ses compatriotes.
Il dit ceci : « …Comment voulez-vous être un partenaire fiable et influent en Afrique avec ce gouvernement médiocre ? La Chine propose un projet d’infrastructures, l’Inde un projet agricole et la Russie un projet sécuritaire. Vous, vous allez promouvoir l’homosexualité. La médiocrité de ce gouvernement est incroyable… ».
Cette déclaration résume en partie l’agacement qu’éprouvent les Africains à l’égard de la coopération avec la France, et en général avec l’Occident ces derniers temps. Cela explique pourquoi Russes, Chinois, Indiens ou Turcs ont le vent en poupe en Afrique. Y a-t-il en effet un choix à faire entre l’offre des Français et celles des autres puissances ? Assurément non.
Alors, après le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Sénégal et le Tchad, qui d’autre priera les militaires français de plier bagages ? Le Gabon ? La Côte d’Ivoire ? Djibouti ? Demain nous situera. Demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours et l’ivraie sera séparée du vrai. Ainsi va le monde.