Le 9 janvier 2025, lors de la cérémonie de présentation des vœux au corps diplomatique, le Président Alassane Ouattara a, une nouvelle fois, démontré son habileté stratégique et sa maîtrise incontestable de la communication politique.
Dans un contexte où la question de sa candidature à la présidentielle de 2025 demeure au centre des débats, il a su, par ses mots soigneusement choisis, maintenir le suspense tout en réaffirmant sa position centrale sur la scène politique ivoirienne. Ce discours, à première vue mesuré, est porteur d’une stratégie politique complexe et bien rodée.
Revenons d’abord sur la perception qu’ont longtemps eue certains de ses opposants. Depuis son accession au pouvoir, Alassane Ouattara a souvent été sous-estimé, qualifié à tort de simple « technocrate » ou de leader sans véritable vision politique. Ces critiques, selon moi, relèvent d’une incompréhension de son génie politique.
Là où ses détracteurs voyaient un homme tributaire des circonstances, il a su, avec une patience stratégique, construire son autorité et surprendre même les plus sceptiques. Aujourd’hui, il s’impose comme l’un des leaders les plus habiles de notre histoire contemporaine.
En optant pour « je souhaitais » au lieu de « je souhaite », Alassane Ouattara laisse entendre que son envie de céder le pouvoir n’est plus une certitude
Par ailleurs, l’une des grandes forces du président réside dans son art de la communication. Contrairement à d’autres figures politiques qui multiplient les interventions pour occuper l’espace médiatique, Alassane Ouattara choisit ses moments avec soin. Ce discours du 9 janvier en est une parfaite illustration : en laissant planer le doute sur ses intentions pour 2025, il capte toute l’attention, détourne les regards de ses adversaires et positionne son agenda au cœur des préoccupations.
Cette rareté dans la parole, combinée à une précision calculée dans les messages, témoigne de sa capacité à maîtriser les codes de la stratégie politique. Prenons un exemple concret tiré de son discours. En déclarant : « il y a 5 ans, dans cette salle, j’avais indiqué que je souhaitais passer la main à une nouvelle génération », il utilise une formule subtile mais lourde de sens. Pourquoi avoir parlé au passé?
Ce choix de mot, bien qu’anodin en apparence, trahit une évolution dans ses intentions. En optant pour « je souhaitais » au lieu de « je souhaite », Alassane Ouattara laisse entendre que son envie de céder le pouvoir n’est plus une certitude. C’est une manière élégante de signifier qu’il reconsidère ses options, tout en entretenant le suspense.
De plus, lorsqu’il évoque la « demi-douzaine de candidatures » présentes dans la salle, il agit sur plusieurs fronts. D’une part, il rassure l’opinion publique et les partenaires internationaux en soulignant que le RHDP dispose d’un vivier de talents prêts à assurer la relève.
En position de force
D’autre part, il joue sur l’ambiguïté : cette déclaration peut être interprétée comme une ouverture vers une candidature interne, mais aussi comme un moyen de montrer que, malgré tout, il demeure le pilier central de son parti. C’est une tactique classique, mais redoutablement efficace.
Cependant, à moins de 10 mois de l’échéance électorale, la situation devient un casse-tête pour le président. Si Alassane Ouattara désigne un candidat trop tard, celui-ci n’aura ni le temps ni l’espace nécessaires pour s’imposer face à une opposition qui, elle, s’organise déjà. À ce stade, la réalité est simple : le président est le seul à pouvoir incarner l’unité et la stabilité du RHDP. Toute autre option comporte le risque de diviser son camp et d’affaiblir les chances de son parti.
En définitive, cette déclaration du 9 janvier s’inscrit dans une stratégie politique mûrement réfléchie. En maintenant l’incertitude sur ses intentions, Alassane Ouattara domine le débat public et garde la main sur l’agenda politique. À mes yeux, son message est clair : il reste en position de force et pourrait bien être candidat à la présidentielle de 2025. Ce suspense calculé, loin d’être une faiblesse, renforce son autorité et sa capacité à garder le contrôle du jeu politique ivoirien.
Par Ahouman Gaël Lakpa
Analyste Sociopolitique, Consultant TV et Écrivain Ivoirien
